AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Zebra


« Sur les nerfs » (titre anglais, Angry Nights) est le premier roman de Larry Fondation.

Puissant, glauque et graveleux à souhaits, l'ouvrage plonge son lecteur dans un monde nord-américain postmoderne où « le système » s'avère être un mixte de chair et de béton, où la trahison fait partie intégrante de l'expérience quotidienne. Dans cet opuscule (188 pages), les scènes – parfois ultra-courtes, résumées à deux ou trois lignes - se succèdent jusqu'à l'écoeurement : quelqu'un remet les clés de la voiture de son copain mort à un étranger dans une sombre salle de cinéma ; un autre type tire à bout portant sur des rats dans une pièce en pleine obscurité pour se préparer à assassiner un gars dans la jungle urbaine, une femme suce son mec en pleine rue, quelques minutes avant qu'il ne se fasse descendre par trois loubards, en toute impunité, des ados boivent de la vodka pure au goulot, les rackets se succèdent, une bagnole percute un petit garçon qui jouait sur la chaussée et file sans demander son reste, des dealers fourguent de la camelote à de pauvres hères pour qu'ils assouvissent leur soif de défonce, etc.

À une époque où le sort de l'Amérique urbaine produit de plus en plus de titres bien sombres, où l'avenir des villes soulèvent une flopée de questions, « Sur les nerfs » constitue un récit saisissant et vécu de l'intérieur de la vie d'une grande ville américaine, Los Angeles. Dans une prose laconique, distante et hérissée de tensions, « Sur les nerfs » nous met sous le nez un monde hyper chargé que beaucoup d'entre nous craignent ou préfèrent nier. Comme « A Clockwork Orange » ou « Last Exit to Brooklyn », « Sur les nerfs » est un livre dérangeant : vous passez du lavomatic, à une rave où les démons s'invitent à la fontaine du parc, d'une paillasse où les corps se donnent sans protection à une séance de piqure au LSD en plein parc urbain. La nuit est en elle-même une colère où les êtres humains comme leurs ombres hantent la réalité et où chacun ne possède plus que le souvenir de promesses non tenues. Alors, est-ce un roman exceptionnel ? Certains ont dit qu'il s'agissait d'un OVNI littéraire : le côté cru (trous de balles, rats explosés, ongles rongés, cicatrices, plaies ouvertes …) fait probablement recette, mais est-ce pour autant de la littérature ? Enfiler les images et les textes non travaillés les uns après les autres, comme dans une recherche désespérée d'effets stroboscopiques qui conduisent à noircir encore plus le côté documentaire, noir et blanc (en fait, pas beaucoup de blanc!) de l'ouvrage, ça ressemble à de l'art brut. Les personnages sont quelconque, sages ou hyper violents. Une caméra pointée sur des pauvres, des truands, des dealers, des junkies et un texte bien acide qui vous mettra parfois le coeur au bord des lèvres, un concentré de misère et de violence pour dénoncer un monde impitoyable. La considération pour autrui a disparu : vous êtes à des années lumières de tout rêve. « I've got my dreams like everybody else, but they're out of reach, yeah, right out of reach » (Chrissie Hynde, The pretenders – Mystery Achievement). Vous aimerez ou vous détesterez.

Réservé aux lecteurs curieux.
Commenter  J’apprécie          280



Ont apprécié cette critique (28)voir plus




{* *}