AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


Elle voulait vivre dans un tableau de Chagall, c'est vrai c'est ce qu'elle exprime au début du récit, la personnage principale de ce premier roman de Gaëlle Fonlupt.
En venant à cette lecture, qui du reste s'est accomplie avec jubilation dans le cadre d'une lecture commune, je venais chercher une histoire particulière et j'y ai trouvé autre chose. Différemment.
Je venais chercher Chagall. Je l'ai rencontré ici sur d'autres chemins que j'imaginais au départ.
« Elle ressort à la fermeture du musée, la main de sa mère posée sur son bras comme un moineau, avec la sensation de vibrer au rythme de ce qui l'entoure, d'avoir retrouvé l'entièreté de sa vie et, dans la poitrine, la douleur palpitante du nouveau-né qui vient de déployer ses poumons pour la première fois. Une certitude s'accroche en elle à cet instant : elle veut vivre, vivre comme dans un tableau de Chagall, enivrée de couleur, légère, émerveillée, dans un ciel habité par tout ce qu'exhale la terre. »
Cette femme qui visite ce musée, est-ce la même femme qui part en reportage photos dans les contrées reculées du Vietnam, qui s'éprend d'un jeune stagiaire de l'Ambassade Française, ce Nils si différent, si jeune, tout les sépare, celle qui en tombe amoureuse, celle qui va questionner un chamane au bord d'un lac et en revient troublée par sa réponse... ?
Qui est cette femme qui plus tard surgira du passé, familière ou étrangère à tout cela...?
C'est peut-être l'histoire d'une femme, puis d'une autre, aux destins traversés de désirs et de douleurs.
Nous voyons se conjuguer deux itinéraires féminins, deux récits, au départ à cinq ans de distance, peu à peu les deux histoires semblent se rapprocher comme un étau et l'on est pris dans ce récit qui devient addictif.
Chagall vient couturer avec sa lumière et ses pinceaux des morceaux de puzzle que l'autrice éparpille sous nos pas, tel un Petit Poucet égaré sur son chemin. Parfois dans cette palette de couleurs je m'y suis perdu, je dois vous l'avouer.
Trop de chemins sans doute ouverts avec la générosité d'un premier roman et forcément, je m'y suis perdu comme le cheval fou que je suis !
L'écriture est belle, soignée à merveille, des thèmes qui me sont chers sont ici évoqués, - bien sûr l'amour, la passion, le temps qui passe..., des phrases ont réveillé en moi des émotions insoupçonnées. Des phrases, oui, mais noyées dans le flot d'un texte où je me suis retrouvé avec ma petite barque dans une mer tumultueuse, teintée de bleu et de gris.
Si je devais retenir une oeuvre de Chagall qui donne un sens à ce roman, ce serait celle du personnage d'Icare, image mythique d'un personnage idéaliste déployé vers le ciel, vers l'azur bleu immense, les ailes d'Icare forcément fondent au soleil, il se retrouve ici au sol par la grâce du geste de Chagall et non dans la mer à la différence du mythe, sur ce sol tâché de rouge comme le sang qui figure dans le roman.
Ici donc le bleu parle au rouge.
Ici la lumière parle à l'ombre.
Le rêve à la réalité.
Le passé au présent. Un passé idéalisé, un présent psychiatrique.
Le temps présent et le temps qui passe.
Et ce lapin, qui surgit du conte d'Alice au pays des merveilles, comme pour nous rappeler l'importance de l'immanence de l'instant, mais aussi les conditions d'hospitalisation où l'on court sans cesse après le temps qui vous échappe...
Tout devient étouffant brusquement. Et c'est là que j'ai perdu pied sans doute dans ce roman trop chargé de bagages pour un voyageur comme moi qui cherchait justement l'allègement du voyage.
C'est un roman riche, sans doute trop riche, qui ouvre des portes, des fenêtres, éveille des émotions différentes, l'autrice nous tend des clés sans nous dire forcément quelles portes elles ouvrent.
J'ai ressenti des émotions, ne serait-ce que dans le silence, la solitude de deux êtres qui ne sont pas faits l'un pour l'autre. L'abandon, le déchirement, ces choses comme cela qui en résultent, comme un effleurement au bord du vide, comme un vide abyssal dans le ventre...
C'est un roman du clair-obscur. C'est un roman où la mémoire souffre. C'est un roman qui parle d'amour et de folie.
Gaëlle Fonlupt nous propose des chemins multiples, avec une écriture sensuelle, poétique, qui offre un beau regard de femme sur une femme, sur des femmes, lu ici dans une lecture commune en compagnie de lectrices magnifiques, par un homme touché par la grâce de l'écriture et par les thèmes évoqués.
Dans cette lecture commune, je remercie mes fidèles compagnes de voyage, Diana (DianaAuzou), Fanny (Fanny1980), Nathalie (Romileon) et Sandrine (HundredDreams). Sans elles, mes mots ne seraient rien.

" Je me réveille dans le désespoir
D'une journée nouvelle, de mes désirs
Pas encore dessinés
Pas encore frottés de couleurs. "
Marc Chagall - Si mon soleil

[LECTURE COMMUNE DANS LE CADRE DU CHALLENGE PLUMES FÉMININES 2022]
Commenter  J’apprécie          6019



Ont apprécié cette critique (58)voir plus




{* *}