- Il marche sur les pas de son père.
- C’est un abruti.
- Exactement ce que te disait papa, et toi tu le traitais de con.
Matteo éclata de rire.
- Tout à fait ça. La saine dialectique entre un père et son fils. (p. 196)
C’était un exemple typique de l’ancien habitat populaire milanais. (…) Ceux qui y vivaient autrefois étaient les ouvriers, les traminots, les Méridionaux, toutes les petites familles qui avaient fait l’Italie. Maintenant c’était le royaume des étrangers. (p. 98)
Il y avait une odeur désagréable dans le couloir. Un collègue au désespoir lui demanda sa clef des toilettes, mais Doni ne l’avait pas sur lui. Il y avait fort peu de lavabos au Palais (on les avait condamnés pour en faire des bureaux), et ils étaient tous verrouillés. Disposer de toilettes correctes – comme Doni – était considéré comme une grande chance et comme un signe extérieur de pouvoir. (p. 58)
L’autre [message] était une ‘mailing list’ de Magistrature indépendante, le courant de droite de l’Association auquel il était inscrit. Un courant qui n’avait jamais eu beaucoup de poids mais Doni y avait quand même adhéré : à la fois par scepticisme, par conviction et par plaisir d’être minoritaire. (p. 21)
L'empire du mal est plus vaste que celui du bien, mais tout le mal ne peut pas rester impuni, tout le monde ne subit pas son joug. (p. 252)
À force de se battre contre le mal, se dit-il, on finit par croire que le monde entier n'est plus que ça, une lutte entre gendarmes et voleurs, un jeu aux règles extrêmement simples : on en vient à imaginer que rien n'existe en dehors du Palais de Justice, que les milliers de pages d'un arrêt contre la 'ndrangheta recèlent l’intégralité de ce qu'il y a à dire dans l'univers et que, si les gens ne s'en rendent pas compte, c'est par pure ignorance ou par facilité. Et que même la beauté, même la musique, l'art, l'amour ne sont que des éclairs éphémères, des fragments provisoires, des particules d'une instabilité telle qu'elles meurent en une fraction de seconde : rien de véritable, rien d'essentiel, rien qui pût résister au déferlement de la douleur. (p. 248)
En vérité, il détestait Rome et n'avait aucune envie de s'y déplacer à pied. Dieu ou quelqu'un à sa place avait puni cette ville en lui infligeant sa beauté : comme une justification pour toute espèce de mal, la marquant au sceau d'un éternel infantilisme. Il détestait la splendeur de Rome, il détestait l'étirement presque physique du temps qu'il y ressentait à chaque fois. Et par-dessus tout, il détestait la joie naïve et superficielle des Romains, leur infinie légèreté. Rome était la métonymie de l'Italie : au fond, tout le monde est gentil, au fond, on est tous égaux devant une assiette de pâtes, alors, à quoi bon s'en faire ? (pp. 227-228)
En somme, pour vous, il est bon qu'il y ait beaucoup de méchants, beaucoup de gens plus ou moins gentils et quelques-uns très gentils qui endossent la douleur des autres et qui en crèvent (p. 217)
Si grande pouvait être la loyauté sur cette terre, et si vaine : deux pauvres gars qui se rendent service en se faisant souffrir l'un l'autre. C'était absurde (p. 211)
C'était en regardant les yeux de son frère que Doni avait appris à se méfier des enthousiastes (p. 193)