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Critique de Marc129


«C'est l'histoire la plus triste que j'ai jamais entendue», en effet, les premières lignes de ce livre résument parfaitement la teneur de ce roman. le narrateur américain John Dowell nous entraîne dans l'histoire d'une amitié entre deux couples, lui et sa femme Florence avec le couple anglais Edward et Leonora Ashburnham, une amitié qui commence très innocemment mais dont la fin dramatique (un suicide de chacun côté) est immédiatement précisé. Il n'y a donc pas beaucoup de suspense, hormis la manière dont les deux victimes trouveront leur fin. Il devient vite clair que l'infidélité et la tromperie dominent l'intrigue, donc pas de surprise là non plus.
Quelle est alors la force de ce roman ? Je n'ai pas besoin de réfléchir longtemps à cela : la voix narrative apparemment spontanée et engageante de John Dowell. Il en parle tout au long de ce livre, Dowell est un bavard qui nous entraîne dans un tourbillon d'évolutions amoureuses improbables, et dont il doit admettre qu'il ne comprend presque rien lui-même. Il devient évident très vite qu'il s'agit d'un homme très naïf qui a été induit en erreur par sa femme dès le début de leur mariage et qui doit également admettre à plusieurs reprises à quel point il avait une vision erronée des Ashburnham. On ne peut guère s'empêcher d'éprouver de la pitié et de la sympathie pour lui. Mais en même temps, on a aussi régulièrement le sentiment qu'il n'est peut-être pas tout à fait simple, que son histoire est particulièrement colorée et que, même s'il prétend être la plus grande victime, il n'en est peut-être pas une. Madox Ford donne l'impression qu'il s'agit d'une forme de littérature de confession et d'écriture thérapeutique (« Pardonnez mon écriture de ces choses monstrueuses de cette manière frivole. Si je ne le faisais pas, je devrais m'effondrer et pleurer »), dans laquelle le narrateur John Dowell, d'une manière apparemment « neutre », tente de découvrir ce qui se passait exactement. Madox Ford joue un jeu pervers avec le lecteur, avec des changements de sens sémantiques dans l'argumentation de Dowell (le titre « le bon soldat » en fait partie) et des déclarations qui nous induisent régulièrement en erreur (les sentiments extrêmement chaleureux que Dowell continue d'éprouver pour le Ashburnhams, par exemple). C'est cette accumulation sans fin d'ambiguïtés qui en fait une oeuvre littéraire extrêmement fascinante, très similaire au roman de 100 ans plus vieux, Liaisons dangereuses, de Choderlos de Laclos.
Mais la plus grande force de ce livre est aussi sa plus grande faiblesse : l'auteur laisse peut-être parler un peu trop longtemps notre narrateur, dans un style narratif associatif (consciemment) chancelant, avec de nouveaux développements toutes les 30 pages, dans un réseau complexe de flashbacks et d'aperçus, de changements de perspective et de chronologie, d'analyse, d'introspection et de dialogue, jusqu'à ce que cela devienne un peu trop. Même aux trois quarts du livre, Dowell entame une nouvelle série de développements, comme s'il ne pouvait pas se contrôler : « Peut-être que toutes ces réflexions sont une nuisance ; mais ils se pressent sur moi. Je vais essayer de raconter l'histoire/i>. À ce moment-là, vous soupirez en vous demandant quelle tournure l'histoire va prendre ensuite. Mais ne vous inquiétez pas, cela reste un roman impressionnant, l'un des grands de la littérature de l'entre-deux-guerres.
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