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Critique de Nastasia-B


Six Cailloux Blancs Sur Un Fil est un magnifique conte étiologique de Cécile Gagnon, malheureusement gâché — je dis bien gâché — par un mauvais travail d'illustration et par un choix éditorial sûrement pas optimal voire très discutable.

J'ai pourtant asséné de nombreuses fois ici que j'étais fan de la série des contes de sagesse d'Albin Michel Jeunesse, mais ici, je pense qu'il s'agissait d'une erreur d'intégrer ce conte à la série. Il est tellement lyrique, tellement beau et si peu en rapport avec l'esprit général de la série que cela me paraît vraiment dommage.

Ici, nous avons affaire à un pur conte étiologique, dans la lignée de ceux qu'a pu nous léguer Rudyard Kipling, par exemple, pour nous expliquer pourquoi l'éléphant a une trompe ou pourquoi le rhinocéros a la peau plissée.

Moi qui suis une amoureuse d'ornithologie, et au surplus, très friande de poésie épurée, ce conte avait tout pour m'enchanter. Il faut tout d'abord que je vous parle de l'oiseau autour duquel le conte est articulé et qui n'est pas forcément connu du plus grand nombre.

Il s'agit d'un oiseau réellement splendide, connu en France sous le nom de plongeon imbrin. Je vous glisse un lien vers wikipedia pour vous le présenter si vous n'en avez jamais vu ni jamais entendu (il y a aussi un lien audio) :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Plongeon_huard

Comme tous les plongeons, il s'agit d'une espèce nordique qui vit dans les régions proches du cercle polaire. Au Canada, là où l'on en rencontre le plus, le plongeon imbrin est nommé plongeon huard ou grand huart (comme pour les Dupond-Dupont, le t se transforme parfois en d et réciproquement).

Ce nom provient du fait que cet oiseau majestueux possède un cri puissant et quelque peu inquiétant au crépuscule, à mi chemin entre le hurlement du loup et le hululement d'une chouette (dont on nomme aussi parfois une espèce "chat-huant", la boucle est bouclée).

Donc, si l'on revient à notre petit conte étiologique, nous avons affaire à une tribu amérindienne nordique qui vit au bord d'un grand lac et dont la croyance locale prescrit qu'il faut absolument rentrer dans les abris dès qu'on entend le cri du Grand-Huart.

Si bien que quiconque contreviendrait à cette règle se verrait automatiquement disparaître emporté par la volonté du Manitou dont le Grand-Huart semble le messager. C'est ce que tout le monde pense dans la tribu et ce que le sorcier matraque à tour de bras à tous les sceptiques.

De sorte que dans la tribu, personne n'a jamais vu de ciel étoilé ni de beau clair de lune. Cependant, Machigan, le fils du chef Onas, âgé d'une quinzaine d'années et qui a déjà démontré sa vaillance et l'âme d'un chef en germe, peine à donner foi à ce qui lui semble être des contes de bonnes femmes pour effrayer les pleutres.

Un soir, au moment du chant du Grand-Huart, alors que tout le monde rentre bien vite dans son tipi, il prend un canot et s'aventure sur le lac. Et, comme par un fait exprès, il n'est pas de retour au matin. Tout le monde se doute qu'il est mort et, peu ou prou, tout le monde trouve ce châtiment normal pour quiconque ne respecte pas les lois du clan.

Cependant, Niska, la mère de Machigan et la femme du chef conserve en elle un espoir et, à chaque jour qui passe, polit un petit caillou blanc, d'où ce titre magnifique de lyrisme et de suggestion. Je vous laisse découvrir la fin du conte et vous invite simplement à bien regarder les marques blanches qui ornent le cou de ce bel oiseau dont il est question dans l'histoire.

Si l'on voulait absolument trouver une morale " de sagesse " à ce conte, ce serait probablement de ne pas se laisser aller aux croyances indues et aux superstitions, mais je le répète, ce conte n'est pas vraiment, selon moi, à sa place dans cette série.

Il aurait été bon que figure en fin d'ouvrage une petite note naturaliste concernant le plongeon imbrin, nommé depuis quelques années plongeon huard, sans quoi la compréhension de l'histoire s'en trouve altérée.

De même, il aurait été vraiment bien que l'illustratrice Natalie Fortier se documente un minimum sur l'oiseau en question, car elle sort de son imagination un animal peu probable qui n'a pas grand-chose à voir avec son modèle naturel, pourtant extrêmement caractéristique, avec son oeil rouge intrigant et sa parure noire et blanche de toute beauté.

Bref, une grande déception qu'un si beau texte et une si belle histoire, où beaucoup d'éléments sont suggérés, n'ait pas été mieux mise en valeur par l'illustration ou les notes explicatives, pourtant nécessaires au vu du public concerné. Dommage, très dommage. Mais ce n'est que mon avis... trois petits points noirs sur une ligne, autant dire, pas grand-chose.
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