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Critique de jg69


jg69
20 septembre 2018
Ce roman d'Eric Fottorino est une fiction à forte dimension autobiographique. Cet auteur, dont la plupart des romans sont inspirés de sa vie, écrit ici sur sa mère qu'il nomme Lina.

A la fin d'un repas familial réunissant sa mère, Eric, ses deux frères et leurs épouses, Lina fait un aveu à ses enfants, elle leur révèle un secret qui l'étouffe depuis des années. Malgré le choc de la révélation, malgré la souffrance de sa mère, Eric reste froid... Sa relation avec sa mère a toujours été très compliquée, il a toujours manifesté une certaine distance envers cette mère qu'il n'a jamais pu appeler autrement que par son prénom. Une femme qui, durant toute son enfance, était soit absente, soit présente sans être vraiment là. "Elle était là mais elle était loin. Je ne comprenais pas ces sautes d'humeur, ces sautes d'amour."

Mais dans les semaines qui suivent, Eric ressent l'impérieux besoin d'aller à la découverte de l'histoire de cette mère qui ne lui a jamais prodigué qu'une "affection à éclipse", à la rencontre de cette femme qu'il ne connait pas. Il se rend alors à Nice, la ville où il est né, une ville où il n'a pas vécu puisque sa mère est repartie avec lui, juste après sa naissance, dans sa famille à Bordeaux. Il sait que sa mère s'était retrouvée enceinte de lui à dix-sept ans après être tombée amoureuse d'un juif marocain, Moshé. Il va arpenter les ruelles du vieux Nice, aller jusqu'au village d'Ascros où elle a passé la fin de sa grossesse. Il marche dans les pas de sa mère, l'imaginant à chaque coin de rue, imaginant les sentiments de Lina, jeune fille de dix-sept ans, seule, rejetée par sa famille, interrogeant ceux qui ont pu la connaitre.

Il va alors peu à peu comprendre ce qu'a vécu sa mère, fille-mère à dix-sept ans d'un père étranger et juif. Avec cette grossesse, honte et déshonneur s'abattent sur sa famille bien pensante, Lina est "livrée au gang des soutanes" avec la complicité des religieuses. Il va alors comprendre pourquoi il a ressenti un sentiment d'abandon toute sa vie, comprendre la place qu'a prise sa grand-mère et la place qui a été laissée à sa mère auprès de lui puisqu'il l'a longtemps considérée comme sa soeur.
"Le cours normal de mes sentiments avait été dévié comme on détourne un fleuve. Une mère, on l'aime sans réserve. Une soeur, on peut la détester.".
" Dès le commencement je n'ai pas été ton fils puisque tu ne pouvais pas être ma mère."

Ce roman très personnel raconte une quête identitaire. L'auteur comprend pourquoi et comment lui ont été volés ses parents et sa judéité. Il comprend la cause d'une relation larvée et le manque qu'il a ressenti toute sa vie. Je l'ai trouvé très émouvant dans sa recherche de preuves qu'il a été aimé par sa mère et dans ses regrets par rapport à la distance qu'il a toujours maintenue avec elle. On ressent aussi toute sa colère contre l'église, contre les préjugés de l'époque qui ont pesé si fort sur son destin. Il nous livre le portrait d'une femme blessée, victime, qui a été effacée, une femme complètement bouleversante. Non seulement cette histoire est très forte mais la plume d'Eric Fottorino est sublime, d'une infinie délicatesse, parsemée de phrases choc. Et la fin est d'une rare beauté... Gros coup de coeur pour ce roman et pour cet auteur que je découvre mais dont j'ai déjà acheté un des romans précédents tellement j'ai envie de plus le découvrir.
Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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