Il s'en fiche, Gabin, ce qui compte, c'est qu'il puisse rouler.
Il a décidé d'aller loin, plus loin que le bout du monde, pour nous montrer que hors de portée de notre vue, il y a encore quelque chose à voir.
Quelque chose de plus beau que tout ce que l'on peut imaginer, et que nous sommes incapables de discerner.
Tout un univers merveilleux qui nous échappe.
Au-delà de mon cas personnel, il pourra, je l'espère, permettre de comprendre que chaque personne autiste, avec ses perceptions personnelles, perçoit elle aussi son environnement de façon très différente du plus grand nombre, et que ces caractéristiques peuvent être un motif supplémentaire à son isolement, tant la société contemporaine se situe à contre-courant des expériences sensorielles propres aux personnes autistes.
Avant le diagnostic, une personne autiste qui s'ignore expérimente une incroyable quantité d'inconforts dans son quotidien, avec parfois de grave répercutions sur sa qualité de vie, son état psychologique et physiologique, mais également sur la qualité de ses interactions sociales.
Parce qu'une des particularités de beaucoup de personnes autistes est de n'avoir aucun recul sur leurs perceptions personnelles, et sans aide extérieure, elles sont souvent incapables de réaliser pleinement ce qu'elles ressentent.
J'ai l'espoir que mon explication permette à ceux qui connaissent des personnes autistes en apparence sans difficulté de prendre conscience du potentiel décalage qu'il existe entre l'image que renvoient ces hommes ou ces femmes, et la réalité de leur quotidien.
Nous, personnes autistes, nous avons toujours été là, et notre drame, c'est que nous n'avons pas suivi la métamorphose de la société.
S'agissant des interactions sociales, amicales ou professionnelles, des rencontres, de la vie à deux ou de l'intimité du couple, rester dans l'ignorance de son autisme est un facteur aggravant capable de rendre notre quotidien très inconfortable et invalidant.
Je ne peux être certaine qu'il n'existe pas de risque minuscule pour que le diagnostic soit susceptible de « freiner » certaines personnes.
Mais je suis persuadée, en revanche, que pour l'immense majorité d'entre nous, connaître son autisme, à n'importe quel âge reste un élément constructif majeur de la compréhension de soi, du développement personnel, et qu'il joue un rôle protecteur fondamental pour faire face à notre environnement.
Je définirais la comédie sociale comme l'ensemble des normes explicites ou implicites qui organisent les relations entre les individus appartenant à une même société.
Pour une personne autiste, la difficulté est de savoir si elle va être capable ou non d'interpréter cette farce, que de parvenir à anticiper le coût énergétique que ce jeu de rôle va représenter, et par voie de conséquence, d'estimer le délai pendant lequel elle parviendra à faire illusion.
(...)
Mais le pire, c'est qu'il faudrait supporter le mensonge sans rien dire. Le mensonge, qui est omniprésent, dans le commerce, les médias, et dans la bouche de chaque être humain.