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Critique de AMR_La_Pirate


Chicago Requiem est le premier roman de Carine Foulon… Je suis très touchée qu'elle me demande mon avis sur ce livre et la remercie de sa confiance.
La quatrième de couverture promet un dépaysement aux États-Unis pendant les années folles dans les milieux des théâtres et des gangsters, sur fond de corruption, de prohibition et de vengeance. le titre évoque une prière pour les morts. Au début du livre un arbre généalogique annonce une saga familiale…Tout un programme qui me séduit d'avance !

L'écriture est maîtrisée, les dialogues percutants et justes ; le chapitrage joue un peu avec la chronologie, de 1916 à 1922, entre le présent et le passé proche pour dépeindre les tenants et les aboutissants des relations compliquées des membres du clan Henderson, une des familles les plus riches et les plus en vue de Chicago, entre mariages d'intérêt et infidélités diverses et variées. Puis le récit s'échelonne de 1922 à 1924… Nous sommes plongés dans l'intimité de plusieurs couples qui s'aiment et se déchirent et, surtout, dans les arcanes d'une vengeance féminine. Quand les péripéties s'enchainent de plus en plus vite, quand la manipulation et la violence montent en puissance, Carine Foulon s'amuse à nouveau avec le temps chronologique pour plonger ses lecteurs dans l'horreur avant de remonter le temps et leur expliquer pourquoi… C'est à la fois déstabilisant et bien ficelé !
J'ai apprécié l'épigraphe générale, les proverbes et les citations en tête de chapitres qui témoignent d'un bel univers référentiel et qui tournent tous autour de l'amour et du mariage et du thème de la corde, décliné sur tous les tons ; il s'agit bien ici d'une longue métaphore filée dans tous les sens possibles, conjugaux, familiaux, amicaux... La trame narrative est solidement construite autours des liens noués et dénoués, mais jamais rompus entre maris et femmes, parents et enfants, frères et soeurs, beaux-frères et belles-soeurs, cousins et cousines, amis et amies… Puis les liens deviennent des entraves entre manipulateurs et manipulés, kidnappeurs et séquestrés, maquerelle et prostituées… Et l'image de la corde n'en finit plus de s'imposer. Quand l'auteure en arrive au chapitre 36 à citer en épigraphe un passage du chapitre 22, la boucle est bouclée, le cercle vicieux refermé…

Les personnages sont très travaillés, sur tous les plans, physiques et psychologiques et l'auteure ménage toujours une certaine tension laissant présager le pire. Les personnages sont traités à la manière des types, avec les attributs auxquels on s'attend mais aussi avec originalité : l'actrice, le dandy, la domestique, la mère exemplaire, le détective privé, l'homme de main, le gangster, l'homme d'affaires sans scrupule, la mère maquerelle, le mafieux sicilien… Les femmes sont à l'honneur entre la fragile Susan et la redoutable Meredith, Rose la pauvre orpheline et Nelly la domestique dévouée… ; l'actrice et la femme du monde sont paradoxalement placées dans des postures antagonistes pour lesquelles elles n'étaient pas, à priori, prédestinées par leurs origines. À leur côté, d'autres portraits de mères et d'épouses se dessinent et se fondent dans le décor, dans cette Amérique des années 1920 où les femmes viennent à peine d'obtenir le droit de vote.
Le Manoir Henderson devient un des lieux thématiques principaux de cette histoire où faire partie de la même famille signifie juste « entretenir de bonnes relations », sans plus. C'est le symbole d'un milieu au décorum suranné et au mode de vie dépassé car, en 1922, les affaires se traitent et se gagnent dans les milieux mafieux. La place donnée au théâtre est aux acteurs illustre le côté superficiel et sur-joué de l'univers mondain où évoluent les membres du clan ; l'environnement des bars, lupanars et maisons de jeu accentue une certaine forme de clandestinité et met à mal la légitimité des personnages. Enfin, le relai des évènements qui touchent la famille Henderson par la presse à scandale donne une touche « people » assez intemporelle.
Il y a quelque chose de réellement visuel et cinématographique dans les descriptions et les ambiances de ce livre, celles des théâtres, des milieux bourgeois, des gangsters, des rues de Chicago, des maisons closes …

Voilà un roman qui ne m'aurait peut-être pas particulièrement attirée si son auteure ne me l'avait pas proposé en service de presse. Mais je dois reconnaître que Carine Foulon possède l'art et la manière de prendre ses lecteurs dans ses filets et de les y retenir. Ainsi, elle ménage avec brio ses effets par effets d'annonce puis par des révélations savamment distillées au compte-gouttes.
La saga familiale se mêle à l'intrigue sentimentale, le fait divers sanglant devient une affaire criminelle ; s'agit-il d'un crime crapuleux orchestré par la mafia ou d'un crime passionnel ? le suspect idéal est-il coupable ? Puis, les péripéties s'enchaînent au fur et à mesure que se tisse la toile vengeresse, car il s'agit bien ici d'un récit complexe de vengeance.
Carine Foulon revisite ce thème avec talent entre les attentes d'un scénario prévisible et le souci du détail dans une trame narrative particulièrement bien ficelée autour d'une problématique aussi simple que terrible : « jusqu'où la monstruosité d'un seul être peut-elle plonger ses proches ? ». Car il s'agit aussi du portrait d'êtres cruels, psychopathes et sans scrupules dont les égarements deviennent dérangeants, pervers et transgressifs, malsains et incestueux.

Pour être aussi exhaustive que possible dans mon ressenti de lecture, je dois tout de même livrer un petit bémol qui concerne la version numérique de ce roman que j'ai eu sous les yeux : au chapitre 10 et seulement à celui-là, la narration omnisciente passe bizarrement à la première personne, donnant la parole à Susan… et cela me désarçonne un peu car je ne comprends pas pourquoi l'auteure fait ainsi se démarquer ce personnage féminin plutôt qu'une autre… Une énorme coquille sur la date du chapitre 39 le propulse en 2015 ?! Il est tout à fait possible que cela ait été corrigé depuis.

En conclusion, je dois avouer que ce roman a été une excellente surprise et que sa lecture m'a captivée.
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