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Critique de Seraphita


En cet entre-deux du 77, ni complètement banlieue, ni complètement Paris, un jeune homme attend dans un abribus, fumant joint sur joint, tandis que le jour passe. Depuis la rentrée, lui et ses amis se sont éloignés : Enzo est devenu le traître ; la fille Novembre a repris son prénom et rangé ses poings au placard de ses désirs. Mais le grand Kevin a fait son apparition, ce grand gars du 93 avec sa dégaine et ses pompes classes, et le jeune homme a décidé, d'un coup, de rester avec lui dans l'abribus, tandis que les autres prenaient le car scolaire. Et puis, jour après jour, le jeune homme est resté, seul, et aujourd'hui sera un jour comme ceux d'avant, un jour de solitude qu'il peuplera de ses pensées et souvenirs.

« 77 » est le premier roman de Marin Fouqué, c'est aussi un ovni littéraire étonnant et détonnant. « 77 » prend la forme d'un monologue intérieur continu seulement ponctué, çà et là, de couleurs écrites en majuscules, celles des voitures qui passent devant l'abribus et viennent hacher, pour un temps, le flux des pensées qui roule dans la tête du jeune homme. Il faut lire « 77 » d'une traite pour mieux entrer dans sa couleur, se laisser porter par le torrent des souvenirs de cet adolescent, dont on comprend peu à peu la construction et la souffrance qui l'anime. A l'image du département où il vit, il incarne l'entre deux d'un âge : plus enfant mais pas complètement adulte ; en quête d'amis, de reconnaissance, mais le plus souvent rejeté, mis à la marge d'un monde qui ne veut pas de lui. Alors se déplient ses doutes, errances, méandres et se dessine la vacuité d'un être en quête d'identité, entouré par des congénères guère aidants.

« 77 » c'est aussi le souffle d'un style à nul autre pareil, une écriture affutée à l'encre du labeur, qui sonne, résonne, comme un slam percutant, une chanson triste, une litanie sans dieux. le rythme parfois s'emballe et quelques fioritures linguistiques (articles, verbes, …) passent à la trappe pour que l'écho des mots frappe encore mieux l'esprit. Forme et fond se complètent, s'entremêlent et se fondent et l'on est vite saisit par une lecture qu'on ne peut plus quitter.

En filigrane surgissent des questions identitaires : qui faut-il devenir ? Celui que les autres nous assignent à être ? La case sociale pré-remplie par son environnement ? Ou bien cherchera-t-on à devenir soi, quoi qu'il en soit du désir des autres ? « 77 » est un premier roman magistral qui cogne aussi sûrement que les bonnes terres grasses du sud 77.
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