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Critique de nilebeh


« Des choses troubles émergent çà et là, on les enfouit sous une feinte indifférence mais elles prolifèrent dans l'ombre et le jour vient où elles dévastent tout. »
Robert Pinget

Elle est seule chez elle dans ce nouvel appartement, depuis qu'elle a fui sa maison. Pourtant, toujours, elle retrouve cette impression d'être observée, épiée. Et puis, il y a ce défaut au plafond, cette tache rouge, et ce mot italien qui s'impose à elle sans qu'elle puisse savoir d'où il sort: Lavasca

Elle parle d'elle – même, disant tour à tour « je » et « elle », dédoublement de la personnalité? Elle boit, trop, elle cache les bouteilles d'alcool pour que son mari ne les trouve pas. Elle va partir, quitter encore cet appartement, encore changer d'endroit, il faut fuir.
Des visages la poursuivent, des êtres à peine vus ou trop connus: son mari, qu'elle a tué en le poussant du haut de sa fenêtre; un italien, qu'elle a vu lui jeter un sort (la jettatura), une femme morte, violée puis noyée, que des pêcheurs ont ramenée dans un filet. Et son mari qui veut la convaincre qu'ils ont remonté du poisson! Ces chairs blanchâtres et molles étaient celles d'une femme, elle en est sûre, et c'est son mari l'assassin. D'ailleurs, dès la macabre trouvaille, il a voulu partir de leur lieu de villégiature sur la mer! C'est clair. Alors, elle l'a tué.
D'ailleurs, elle hait son mari, il lui a tout pris, à commencer par sa fille, Émilie, qu'il a accaparée en lui apprenant à peindre. Et puis un jour, après l'épisode de la noyée, il est parti, sans un mot.
Mais elle note tout, scrupuleusement, sur des cahiers quadrillés. Ainsi, on saura.
« Dès lors, j'ai su que j'étais de trop entre vous deux. Je me suis sentie rejetée comme une note en bas de page, pis encore, en fin de chapitre ou même du livre ».
Elle écrit, raconte en mélangeant tout et termine par ces mots: « Aussi, je vais fag.. »

Les cahiers ont été retrouvés après qu'on l'a ramassée, morte dans la rue. Emilie les lit, avec horreur, avec ahurissement: comment tant de désordre mental peut – il se concilier avec l'écriture, quotidienne, systématique, qu'elle a sous les yeux? Et comment comprendre ce dernier mot « fag »? Aucun verbe, sauf fagoter, ne commence comme cela. Quant à « Lavasca », qui épouvante tellement sa mère, c'est le nom de la clinique où elle a été soignée pendant des mois. Elle n'en dit pas un mot.
« Je recherche cette phrase que tu as écrite: «  Emilie qui m'a quittée, qui a cru le faire, car elle ne sait pas que je suis le poison qui circule dans ses veines ».

Expression de la folie, de la douleur, rapports mère – fille, femme – mari, éléments de paysages maritimes, ou esquisses de fragments d'Italie: le livre interroge plus qu'il n'apporte de réponses. Une mosaïque troublante et dérangeante. Une écriture rapide, aérée, vive et déjantée, ou bien souple et douloureuse, selon les locuteurs.
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