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Critique de Gabrielle_Dubois


Cet essai a été écrit dans les années 1970. La façon dont on perçoit l'employée de maison aujourd'hui a, en général, fort changé, heureusement. Mais ce qui est intéressant dans cet essai est l'historique des employés de maisons.
Avant 1789, la maison (riche) était une entreprise à elle seule, nécessitant valets, lingères, femmes de chambre, cochers, secrétaires, coiffeuses, cuisinières, que sais-je encore? Chacun avait une place définie, un métier précis.
Après, tout au long du 19ème siècle, ce qu'on appelait la bourgeoisie, c'est-à-dire ni le peuple ouvrier ou paysan, ni la noblesse terrienne, est devenue la classe la plus importante sans toutefois avoir les moyens des grandes maisons d'avant 1789. Les employés de maisons se sont retrouvés réduits à peu de personnes par maison, donc ils ont dû devenir polyvalents.
Ce qui voulait dire une plus grande charge de travail et un travail lui-même moins gratifiant, jusqu'à devenir quasi seulement la fameuse «bonne à tout faire». D'où les tiraillements entre employés et employeurs.
Et c'est là qu'on entre dans le vif du sujet, au début du 20ème siècle, car le problème se situe entre employée (femme) et employeuse (femme).
En effet, la femme est la servante du mari. Si elle n'a ni le temps ni les capacités pour accomplir toutes les tâches ménagères qui lui incombent, elle emploie une autre femme pour l'aider: «l'aide-ménagère». La femme du bourgeois doit être jolie et présentable en société, avoir de la conversation, savoir un peu de musique. Comment pourrait-elle en même temps abîmer ses mains aux lourds travaux ménagers de ce temps? Comment pourrait-elle se présenter à toute heure du jour avec une coiffure impeccable, tout en s'occupant des quatre enfants qu'elle doit fournir à la patrie?
Et le cercle vicieux se referme sur les femmes féministes qui, au début du 20ème siècle réclamaient des conditions de travail décentes pour les employées de maison. Mais faites donc le travail vous-mêmes! leur ont crié les hommes. C'est votre rôle!
Ainsi culpabilisées, les femmes se sont tues…. Jusqu'à ce que dans les années 1970, Benoîte Groult s'insurge: Les femmes sont victimes du devoir ménager et maternel qui les a toujours entravées pour obtenir un métier intéressant, victimes de la double journée de travail. Au nom de quoi faudrait-il les empêcher de se faire aider? Manipulation masculine: obligation de faire son métier de femme avant tout, moyen détourné de faire rentrer les femmes au foyer. Mépris pour le travail ménager, mépris exacerbé qui évite à l'homme de prendre conscience du nécessaire partage des tâches. Mépris pour celles qui s'y consacrent par goût ou par obligation. Les arguments s'additionnent et font enrager: l'employée de maison devient celle qui est nécessaire, de façon urgente, à la libération des autres. Elle est aussi celle qui fait tampon en attendant que les hommes changent…
Celles qui se font servir comme jadis, celles qui se font aider dans une maisonnée pleine d'enfants, celles qui font faire leur ménage pour s'assurer de bien rompre avec l'oppression traditionnelle, toutes sont bornées à leur situation individuelle. Elles ne sont ni coupables ni responsables, mais elles sont parties prenantes d'une situation bloquée (dans les années 1970, je le rappelle).
Quand cet essai est paru, on l'aura compris, les hommes, depuis la fin du 19ème siècle, renvoyaient dos à dos leurs femmes et leurs employées de maison pour régler leurs différents au sujet d'une affaire qui, pensaient-ils, ne les concernaient en rien: le ménage et la somme de travail et de temps que représente le fait de tenir une maison: enfants, ménage, etc…

Notes au hasard :

* 1791: la domesticité d'apparat est en partie masculine et mieux traitée que la domesticité féminine. Preuve: l'impôt sur le domestique homme est plus cher que celui sur la domestique femme.
1920, la taxe pour les hommes est double de celle pour les femmes.

* Au début du 19ème siècle, on proposait même qu'il n'y ait pas d'impôts quand on employait une domestique femme.
Ce qui veut dire que le travail de la femme est nécessaire, celui de l'homme superflu: on n'imagine bien la différences entre les tâches.

* 1973, jugement de divorce d'un tribunal anglais:
Les biens communs des époux ont été divisés:
2/3 au mari, 1/3 à la femme.
Motif: le mari est plus désavantagé par le divorce, car il devra désormais employer quelqu'un pour tenir sa maison!

* 1900, l'enseignement ménager:
Formation professionnelle en vue d'un travail salarié ou éducation générale de la femme, future épouse et mère?
Les deux: la femme au foyer doit croire qu'être ménagère n'est pas qu'une condition mais une profession, et la future domestique doit comprendre que ce travail colle à sa nature de femme.

Lien : https://www.gabrielle-dubois..
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