Notre amitié était allée au-delà des mots et des cases se remémore Catel, l'invitée de cet épisode, lorsqu'elle évoque sa relation avec Benoîte Groult, dont elle a retranscrit la vie dans sa bande dessinée Ainsi Soit Benoîte Groult (Grasset).
Catel nous a reçu dans son atelier parisien pour raconter les prémices de cette bande dessinée sur Benoîte Groult, icône féministe qui s'est battue toute sa vie en faveur des droits des femmes.
C'était la première fois que la scénariste de bande dessinée spécialisée dans les biographies, racontait l'histoire d'une personnalité toujours en vie. Une mission qui s'est avérée périlleuse pour Catel, qui a dû lutter contre les quelques réticences de la femme de lettres à l'égard du 9ème art
L'histoire de Catel a été recueillie au micro de Camille Bichler.
Ce podcast a été produit par Johanna Bondoux pour le Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême et parrainé par l'Institut René Goscinny (https://www.institut-goscinny.org/).
Montage et Mixage : Adrien Leblond
Assistante de production : Morgane Mabit
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J'ai longtemps pensé dans ma jeunesse que s'aimer, c'était fusionner. Et pas seulement dans la brève et banale union des corps, ni même dans un orgasme mystique. Je ne le pense plus. Il me semble aujourd'hui qu'aimer, c'est rester deux, jusqu'au déchirement.
« Qu’est-ce qui leur prend, soudain aux femmes ? Voilà qu’elles se mettent à écrire des livres. Qu’ont-elles donc à dire de si important ? » demandait récemment un hebdomadaire qui ne s’était jamais posé la question de savoir pourquoi les hommes écrivaient, eux, depuis deux mille ans et ce qui leur restait encore à dire !
P.37 Livre de 1975
Le bel âge après tout, c'est celui où l'on sait à quels rêves on tient le plus ; celui où l'on peut encore en réaliser quelques-uns.

C'est dur, mais y a pas d'os dedans. Ça bouge tout seul, mais ça n'a pas de muscles. C'est doux et touchant quand ça a fini de jouer, arrogant et obstiné quand ça veux jouer. C'est fragile et capricieux, ça n'obéit pas à son maître, c'est d'une susceptibilité maladive, ça fait la grève sans qu'on sache pourquoi, ça refuse tout service ou ça impose les travaux forcés, ça tombe en panne quand le terrain est délicat et ça repart quand on n'en a plus besoin ; ça veut toujours jouer les durs alors que ça pend vers le sol pendant la majeure partie de son existence...
Il parait que nous aurions adoré avoir un truc comme ça. Il paraît que quand on n'en a pas, c'est bien simple, on n'a RIEN.
Et puis ce n'est pas fini : à côté du machin, il y a les machines. Et là c'est nettement pire............ Où elles sont placées, pauvres minouchettes, on dirait deux crapauds malades tapis sous une branche trop frêle. C'est mou, c'est froid, ni vide ni plein ; ça n'a aucune tenue, peu de forme, une couleur malsaine, le contact sépulcral d'un animal cavernicole ; enfin c'est parsemé de poils rares et anémiques qui ressemblent aux derniers cheveux d'un chauve. Et il y en a deux !
.........Disons le tout net : votre panoplie, mes chéris, même si vous ennoblissez la pièce maîtresse de phallus ne forme pas un ensemble extraordinaire........... Et pourtant nous l'aimons, cette trinité, avec humour parce qu'elle est objectivement laide, avec amour parce qu'elle est subjectivement émouvante. Mais qu'on ne nous empoisonne plus avec cette prétendue envie de pénis, qu'on ne nous définisse plus, au physique et au moral, par rapport au pénis et qu'on nous soulage de tous ces psychanalystes et sexanalystes qui s'acharnent à réanimer nos vieux conflits au lieu de nous apprendre à nous aimer nous mêmes, ce qui est une condition essentielle pour aimer l'autre. Sinon, nous allons le prendre en grippe, l'objet, comme certaines ont commencé à le faire. Ce serait dommage pour tout le monde.
Le plus dur dans le malheur, ce n’est pas tellement d’être malheureux, c’est de se trouver privé de son minimum vital d’insouciance, de ce recours au rire ou, mieux encore, au fou rire salutaire qui fait sauter vos circuits et vous laisse pantelant, exhalant un de ces soupirs qui délivrent des pires tensions. Le malheur est désespérément sérieux.
A mesure que le temps passe je me demande si la sororité n'est pas le sentiment le plus authentique, le moins frelaté, le plus résistant aux évènements[...]. Il faut prendre tant de précautions avec l'amour. Avec une soeur on ose tout, même rester soi-même, jusqu'à l'horreur si c'est nécessaire pour sa santé mentale! Merci Minnie de me permettre d'être horrible en étant sûre de conserver ton affection. C'est si bon. On est si rarement soi-même finalement... Et avec si peu de gens.
Quand on voit comment des hommes ont traité d'autres hommes, comment s'étonner de la façon dont ils ont traité les femmes?
Virginia Woolf avait raison : « Tuer la fée du foyer reste le premier devoir d’une femme qui veut écrire. » Si j’osais ! Mais les fées du foyer ont la vie dure, et dans mon cas, il faudrait tuer dans la foulée la mère et la grand-mère ! Woolf a sous-estimé le problème : elle n’avait pas d’enfants et Beauvoir non plus. Il aurait fallu me prévenir il y a très longtemps.
Il est vrai que j'ai un cerveau de femme, j'aurais dû vous l'avouer plus tôt. C'est un ordinateur plus rudimentaire, dame! Et qui comporte peu de circuits et absorbe moins de données. Je suis née comme ça et j'ai beau avoir fait des études dites supérieures parce que j'ai eu la chance de naître au XXè siècle où par suite du relâchement des mœurs, on a fini par nous ouvrir les portes des lycées et des facultés, comme on permet de guerre lasse à l'enfant qui vous a enquiquiné toute la journée de jouer avec la boîte à outils de papa, je ne parviens pas à me sentir l'égale de l'homme.
Le non-vécu se pare d'un redoutable attrait.