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Critique de TRIEB


Peut-on rouvrir un procès par l'intermédiaire de la fiction romanesque ? le procès, c'est celui de René Hardy, jugé deux fois après la Libération pour suspicion de trahison et acquitté. Jean Moulin a-t-il été trahi, en raison de ses idées ; a-t-il été livré aux nazis ce 21 juin 1943, lors de ce rendez-vous à la réunion de Caluire à laquelle devaient participer d'importants membres de la Résistance pour décider des suites à donner à l'arrestation du générale Delestraint, chef de l'armée intérieure ?

Un juge à la retraite rouvre le dossier et imagine une nouvelle confrontation, de nouveaux interrogatoires devant un prétoire de tribunal .Le fil conducteur adopté par Dan Franck est le suivant :Jean Moulin a été trahi, parce que l'on redoutait ses idées progressistes .Il l'a été , non par René Hardy , mais par Barrès , alias Pierre Guillain de Bénouville , célèbre résistant, compagnon de la Libération , et ancien militant de la Cagoule , organisation factieuse d'extrême-droite de l'avant-guerre .

Le juge prend soin de distinguer les visions du monde toujours inconciliables à ses yeux : « Il y a ceux qui placent l'Homme et ses droits au centre de leur paysage, et ceux qui y placent l'Homme et ses intérêts. » Distinguo repris à plusieurs reprises dans l'ouvrage pour illustrer la pertinence de la distinction entre des convictions de gauche et de droite. Ainsi attribue-t-il à Barrès alias Bénouville, lors d'une arrestation en 1941 à Alger, la citation suivante extraite de son livre le sacrifice du matin:
« Lorsque les interrogatoires furent terminés, on nous fourra sans autre forme de procès dans un cachot où se trouvaient des Arabes pouilleux. »
De Jean Moulin, il extrait la citation de son ouvrage Premier Combat : « Les soldats, sur injonction de leurs officiers, me saisissent à bras-le-corps et me jettent violemment sur le malheureux tirailleur (sénégalais) qui recule effrayé. » le juge tire alors de cette divergence de vocabulaire une façon de caractériser un homme, selon que l'on est de droite ou de gauche. L'ouvrage est plein de recoupements avec la période actuelle, et comporte de nombreuses interrogations sur les prises de position possibles d'un Max resté vivant après-guerre sur les guerres coloniales menées par la France.

Ce juge, à l'occasion d'une visite au cimetière de Passy, y décèle la preuve irréfutable et définitive de l'appartenance de Pierre de Bénouville au fascisme : il est en effet enterré aux côtés de Michel de Camaret et du comte Jehan de Castellane, amis d'enfance de l'intéressé et fers de lance, tous comme lui, de l'extrême-droite avant-guerre.
Cet ouvrage est plaisant, stimulant, se laisse lire avec bonheur, sans trahir l'histoire avec un grand H. Les personnages sont représentatifs de l'époque, avec leurs contradictions, leurs passions. On entre dans la vie intérieure d'individus devenus célèbres par la reconstitution romanesque. C'est l'un des mérites essentiels de ce livre, dont il faut recommander la lecture.

Lien : http://www.bretstephan.com
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