Après "Bienvenue au club", le CNL en partenariat avec Public Sénat, met en avant les conseils des lecteurs en leur donnant la parole dans l'émission #LivresetVous. Une nouvelle chronique à ne pas manquer tous les vendredi à 17h30.
Deux livres et deux histoires d'engagements. Des pages d'Histoire aussi
Dans « Livres & Vous » sur Public Sénat, Guillaume Erner et ses invités, Dan Franck (« Boro, Est-Ouest » Ed. Fayard Grasset) et Vanessa Schneider (« La fille de Deauville ». Ed. Grasset), nous ouvre la porte de destins singuliers, où fiction et réel s'entremêlent.
Une émission présentée par Guillaume Erner, en partenariat avec France Culture.
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« L’échec ne réside pas dans la rupture, mais dans l’échec de la rupture. La séparation est le dernier acte de la vie commune. »
- Est-ce vrai que vous avez passé la Manche uniquement pour tenter de me rapatrier?
Elle dit que oui.
- Cela signifie que les Anglais ont pris le risque de vous perdre et de perdre un avion dans le seul but de me faire venir à Londres?
- Oui.
- Rien ne justifie cela.
Il parlait bas. Il était en proie à une colère froide qui, en quelques secondes, balaya leurs complicités habituelles.
- On offre un avion et un parachute à quelqu'un qui le mérite. A Léon Blum ou à George Mandel. Pas à moi. Ni mon histoire ni mon destin, ni même ce que je représente, ne vaut votre déplacement. Il s'agit d'un passe-droit.
- En effet, reconnut-elle.
D'une époque l'autre, l'accusation reste la même, et l'étranger le premier bouc émissaire : ils prennent l'argent jadis, le travail aujourd'hui.
- Vous êtes séparés?
- Elle vit avec un autre homme. Malgré cela, j'ai pris la précaution de lui faire un onzième enfant avant de partir pour le front!
- Tu as participé aux opérations?
- Catégorie nettoyeur, Borop'tit! Sitôt mobilisé, on m'a hâtivement distribué dans le rôle du négro! Faute à la réclame Banania, j'imagine! Faute à Lyautey!... Les nègres avec les nègres! On m'a versé dans un régiment de tirailleurs sénégalais et on m'a mis la baïonnette au canon. J'ai compris que la France, belle patrie, terre des arts, ma réservait le sort peu enviable de viande à Panzer. J'ai écrit à ma femme pour lui apprendre que, normalement, j'allais mourir. Elle n'a pas répondu. Elle voulait sans doute déjà faire l'économie d'un timbre.
Les artisans ne sauraient être des artistes. Pierre Soulages, un jour, m'a donné la clé de la différence : "l'artiste cherche. Il ignore le chemin qu'il empruntera pour atteindre son but. L'artisan, lui, emprunte des voies qu'il connaît pour aller vers un objet qu'il connaît également."
Adolf Hitler!
Naguère petit, morveux, les cheveux sales, les pommettes rendues écarlates par la colère, méprisant, violent, relâchant ses sphincters à la moindre contrariété. Ce jour-là, sanglé dans un uniforme, un baudrier, le torse médaillé, la visière de la casquette rabattue sur les yeux, la moustache aussi courte qu'à Munich, le même petit regard électrisé, vif, chafouin, un rictus qui s'ouvrit en sourire lorsque Pétain apparut en haut de l'escalier.
Boro laissa tomber son Leica. Il vit la poignée de main mais refusa de la photographier
Il n'est pas sur la même longueur d'ondes. S'il apprend l'autonomie à ses garçons, s'il les arme contre des morales qu'il exècre, s'il les aide à affirmer ce qu'il pressent en eux- et qui le satisfait-, il aura accompli son boulot. En naissant, ses enfants se sont déjà éloignés. Depuis, ils n'ont fait que poursuivre sur cette voie. Lui- même, un jour, marchera derrière eux. Il ne les veut pas tout à lui. Qu'ils se dirigent à leur pas vers un destin qui ne lui appartient pas. Il ne retiendra personne. Qu'ils soient libres. Qu'ils ne lui ressemblent pas s'ils ne le désirent pas- et lui-même leur souhaite mieux.
Chaque nuit, dans toutes les villes d'Angleterre, des bénévoles montaient sur les toits afin d'éteindre les bombes incendiaires larguées par les appareils allemands. Et dans les rues, dans les cours, au fond des jardins, on s'entraînait à défendre sa maison, son quartier, sa ville, son pays.
- Ah ! La Jo-con-de !
- Du Lou-vre, oui !
- Bien sûr que je la connais ! Une brune aux cheveux un peu longs qui vous regarde comme si vous aviez un secret en vous ?
- Voilà !
Un monde sans art serait aveugle à lui-même. Il serait enfermé entre les bornes de règles simplistes. C'est pourquoi, quand ils s'installent, les totalitaristes censurent, interdisent et brûlent. Ainsi crèvent-ils le regard de la pensée, du rêve, de la mémoire et de l'expression des différences.