J’avais perdu en voulant en faire trop. Le mieux est l’ennemi du bien.
Il m’arrive de détester autant les fumeurs dissimulés que les non-fumeurs rigides.
Le cinéma, comme tout art, reposant sur un ensemble de codes (et sur leur transgression) où tout est signifiant, ce ne serait qu’un élément de plus qui permettrait à chacun de jouer les pythies (longtemps, je n’eus pas ma pareille pour prévoir les grands moments en me fiant à la seule musique de film).
Le fumeur n’est glamour qu’au cinéma et c’est bien pourquoi les ligues antitabac bataillent pour en évacuer la cigarette.
N’empêche, à mes yeux, le fumeur n’est pas beau à voir. Mais,à tout prendre, je préfère aux fausses élégances les allures franchement vulgaires, clope au bec, lippe pendante, œil larmoyant ou cigarette coincée entre le pouce et l’index, cachée dans le cône de la main à la manière des écoliers et des taulards.
Quand il tire sur sa clope, c’est pire : son cou se ploie, ses épaules s’affaissent, son dos s’arrondit, sa silhouette s’étrique. Certes, ni plus ni moins qu’un mangeur de glace ou de panini, bref que toute personne portant quelque chose à sa bouche car, pour tous, le principe est le même : c’est la bouche qui va à la rencontre de la cigarette, du panini ou de la glace, et non l’inverse.
Sur le plan esthétique, le fumeur ne tire qu’un avantage de son vice : sa voix. Assourdie, réputée sensuelle, elle évoque moins l’abus de tabac que de sexe. Cette voix équivoque de viveur ou de radeuse ne manque pas d’émouvoir.
Le tabac jaunirait les dents. Encore une approximation malintentionnée. Il ne jaunit pas les dents, il les noircit. Un détartrage tous les trois mois s’impose. Idem pour les doigts jaunâtres. Un rien d’eau de Javel ou d’eau oxygénée suffit à les rendre impeccables. Un peu d’hygiène, que diable !
On dit aussi que fumer donne mauvaise haleine. Ça dépend des goûts. Il y a un tas d’amoureux qui potentiellement pourraient adorer embrasser un vieux soudard. Il convient de privilégier ceux-là. Et sinon, de se brosser les dents après chaque cigarette.
La peur du manque me donne des ailes, des mollets de chasseur et un souffle de baryton. Mais à part ces rares occasions (le fumeur est toujours précautionneux), le bilan n’est pas brillant.