Citations sur A la conquète des femmes (7)
Les Femmes. Mélange instable de symbole et de réalité. Alchimie de l’émulsion. Lilith, Marie, Maman, Carabosse… L’une ou l’autre, et toutes à la fois. Femmes tampons et femmes serviettes. Les représentations se superposent sans s’annuler. Celles qui libèrent et celles qui emprisonnent. Celles qui goûtent et celles qui dévorent. Celles qu’on pénètre et celles qui nous pénètrent. Celles qu’on aime et celles qu’on tue. Les miroirs formants ou déformants de ce que nous sommes.
S’il existait un record des occasions manquées, voire des occasions faciles, je serais le champion absolu. Un regard suffisait pour enflammer mon cœur et tétaniser le reste, une paire de jolies jambes pour faire exploser mes fantasmes et m’empêcher d’entreprendre quoi que ce soit. J’étais un affamé qui ne pouvait rien avaler. Un anorexique de l’amour.
Quelques mois plus tard, nous étions en bonne voie pour atteindre les résultats escomptés, alors que mon plan n’avait pas encore porté ses fruits, grâce à une réduction des « frais de structure ». Quand on pensait, comme tous ceux qui travaillaient pour Ralph Chock, notre propriétaire zélé, que l’on « créait de la valeur pour toute la société civile », on n’était pas à quelques licenciements près.
Le marché du menstruel représentait 16 milliards de dollars de revenus par an dans le monde. Avec d’abord la serviette (11 milliards), puis le tampon (3 milliards) et, considéré comme un produit de complément ou paramenstruel, le protège-slip (2 milliards). On déterminait trois grands types de géographies d’usage : les pays proserviettes (pays méditerranéens, catholiques et musulmans, et l’Asie), où l’usage du tampon était inférieur à 20 % ; les pays protampons (Europe du Nord, Allemagne incluse), où l’usage du tampon dépassait les 60 % ; et les pays à parité entre tampons et serviettes, comme les États-Unis ou la France.
Avant tout la Femme saigne. Au total, entre ses jambes et sur toute la surface du globe, près de 150 millions de litres de sang par an. La Femme saigne dans ses attributs les plus spécifiques et les plus déterminants. 7 femmes sur 10 interrogées aimeraient espacer ou supprimer leurs règles, mais quand on le leur propose concrètement grâce à un nouveau contraceptif, 3 sur 10 seulement acceptent d’essayer… Pendant longtemps, je n’ai rien compris. Pendant longtemps, j’ai pris un seul vagin pour tous les autres. Jusqu’à ce qu’on me demande de m’occuper vraiment de tous les autres, sans limite d’âge, de condition et d’origine. Des vagins par millions, pour leur donner le meilleur de moi-même.
Qu’il est singulier et puissant le lien qui unit deux êtres qui se sont aimés dans un grand bonheur, ont souffert chacun de leur côté et à cause de l’autre, se sont séparés mais partagent pour la vie ce qu’ils aiment le plus au monde. On le hait, on le regrette, on l’idéalise ou on l’oublie, mais le lien est toujours là et, à défaut d’en être conscient, il nous manipule facilement. Il y a entre les anciens amants comme une intimité indéfectible tracée par le vécu commun de toutes les palettes de l’émotion. Il y a la connaissance aiguë de la profondeur de l’autre et de sa pluralité. La liberté aussi, de le contempler dans sa comédie humaine, dans le déchaînement de ses passions les plus virulentes, sans en être dupe. Serait-ce en divorçant qu’on accède enfin à la totalité de l’Autre ?
Dans bien des civilisations antiques, le corps de la femme menstruée était impur et donc isolé du corps social. Dans une culture patriarcale, on n’aime pas trop que les œufs ne soient pas fécondés. Les tissus morts qui s’écoulent entre les cuisses d’une femme sont une insulte à sa fonction génitrice essentielle et surtout à la virilité de l’homme, puisque ça la nie.