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Critique de Sokleine


J'avais découvert ce livre choc il y a quelques années ; je viens de le relire et en ressors toujours aussi ébranlée.

Elaboré à partir de documents historiques et de nombreux témoignages, ce récit graphique poignant, réalisé en noir et blanc, par Désirée et Alain Frapier revient sur une des périodes les plus troubles de notre histoire : celle de la Guerre d'Algérie. Les auteurs nous en rappellent brièvement le contexte, les éléments marquants du conflit, les atermoiements du gouvernement en place, l'importance du Parti Communiste de l'époque et cette guerre qui n'en finit pas, faisant toujours plus de victimes de part et d'autre. Ils insistent sur le climat angoissant qui règne à Paris en particulier et sur la jeunesse idéaliste et militante, avide de liberté, de paix et de justice.

C'était le 8 février 1962 - voilà 60 ans - après une série de plastiquages sanglants perpétrés par l'O.A.S., une manifestation pacifiste est organisée. Malgré l'interdiction des milliers de Parisiens défilent pour la paix en Algérie et pour protester contre le fascisme et la violence de l'O.A.S. Des ordres de répression et de maintien de l'ordre sont donnés par le préfet Papon, la police charge brutalement et va piéger sauvagement des manifestants qui tentaient de se réfugier dans la station de métro Charonne. le bilan est lourd : 9 morts et 250 blessés.

Cet événement tragique est relaté à la première personne du singulier, d'après le témoignage d'une amie de Désirée Frapier, Maryse Doueck-Tripier, lycéenne de 17 ans à l'époque, et rescapée de la station Charonne où elle a cru mourir et dont elle a subi des séquelles. C'est poignant, bouleversant et parfaitement véridique.

Le plus scandaleux est que la presse de l'époque et la censure ont minimisé ce drame et communiqué leurs versions des faits ; puis les accords d'Evian ont été signés et le gouvernement français a préféré oublier la guerre d'Algérie et dissimuler ses horreurs (les combats, la répression, la torture…). Ce n'est que depuis plusieurs décennies que la parole se libère et qu'un effort de mémoire est fait. Il était temps !
Combien d'années se sont écoulées avant d'évoquer le drame de Charonne ? Pour ma part, ce n'est qu'en 1977, au cinéma, en regardant le film de Diane Kurys, Diabolo Menthe, que j'en ai pris connaissance. Une des jeunes élèves, Pascale, dans un monologue passionné provoque l'émotion en racontant cet événement. Auparavant c'était l'oubli complet ou le mensonge par omission. Il en fut de même pour la manifestation pacifiste des travailleurs algériens, le 17 octobre 1961 ; ils protestaient contre le couvre-feu qui leur était imposé par le préfet Papon. La répression ultra violente provoqua le massacre de dizaines (peut-être de centaines) d'Algériens qui furent jetés dans la Seine.

Comme l'écrit Benjamin Stora dans sa préface, les deux événements historiques, longtemps étouffés, sont intimement liés et doivent le demeurer "définitivement comme signe de fraternité entre l'immigration ouvrière algérienne et les militants en France qui ont refusé la guerre livrée en Algérie".
Un oubli impossible.
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