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Critique de coincescheznous


Autant le dire tout de suite, ce livre présente une intrigue pour ainsi dire nulle. En gros, une femme écrivain – Emilie Frèche elle-même – est mariée depuis plus de 15 ans au même homme. Ils ont ensemble deux filles et chose assez rare après 15 ans de mariage, ils sont encore heureux ensemble ! Mais voilà, un jour Emilie rencontre un homme dangereux, un autre écrivain, qui va la plonger dans une obsession destructrice. Pour le côté ragot people chez les écrivains, cet homme dangereux serait l'écrivain Patrick Besson, avec qui Emilie Frèche règle ses comptes durant l'ouvrage. Voilà, c'est dit, les rumeurs sont écrites !

Des histoires d'adultère, il y en a des TONNES dans la littérature, et celle-ci est franchement banale voire chiante, pour le dire vulgairement. Ce n'est donc certainement pas pour cela que je recommanderais ce livre. En revanche, ce livre a réussi à me convaincre de quelque chose que je savais déjà, mais que probablement je refusais de voir en face : la densité de l'antisémitisme en France !

Emilie Frèche est juive, son mari est juif, bref sa famille est juive. L'homme dangereux qu'elle rencontre, appelé Benoît Parent dans le livre (mais Patrick Besson dans la réalité, si vous avez bien suivi), ne l'est pas. Jusque-là, rien de dingue. Sauf que l'air de rien, le petit Benoît, ça le dérange cette judaïté, il ne peut pas s'empêcher d'en parler et de dire des phrases complètement folles auxquelles j'imagine nous nous sommes habituées en France : « J'adore les juives / Allez rigole, on m'a dit que les juifs avaient de l'humour… ». Dis comme ça, ça paraît anodin car nous sommes censés pouvoir rire de tout ; Seulement voilà, à quel moment un comportement devient limite ? le Benoit Parent, il ne paye jamais rien avec la petite Emilie, il la laisse toujours sortir sa carte parce que bon, on ne va pas se mentir, les juifs sont blindés… Et puis, il n'est pas étonné que son mari soit chirurgien, parce que bon, les juifs font tous des professions libérales qui rapportent un max… Et tout est à l'avenant ! En gros, qu'on veuille le reconnaître ou non, en France, on se pose la question de la judaïté de quelqu'un dès qu'on entend son nom, qu'on le voit bronzé en Rolex, ou intellectuel de gauche avec un nom à résonnance de l'Est… Pourquoi ? Je ne sais pas. Les écoles juives et les synagogues sont cernées de flics et l'on ne s'en offusque pas, pourtant cela signifie bien que les juifs de France ne vivent pas dans les mêmes conditions de sécurité que nous. Qu'on le veuille ou non, en tolérant cette situation, on se fait les garants de cet antisémitisme plus ou moins latent.

Je me suis alors interrogée sur ma propre conduite, loin d'être exemplaire. J'ai toujours été jalouse des personnes juives car j'ai toujours rêvé dans le fond d'être juive. Il y a un truc dans le jaudaïsme qu'Emilie Frèche explique très bien : les gens sont jaloux ou envieux des juifs car ils pensent que le peuple « élu » reflèterait une préférence du Grand Créateur. Or, être juif, ce n'est pas une préférence donnée, mais une responsabilité qui incombe : celle de faire perdurer le judaïsme en dépit de ce qui peut se passer. En fait, être juif, c'est lourd à porter, et ça, j'en suis convaincue. Depuis plusieurs années maintenant, je ne sors qu'avec des juifs, jusqu'à mon mari – juif également – que j'ai épousé. Evidemment, j'étais jalouse de ne pas pouvoir en faire partie. Et puis mon mari est arrivé et j'ai mesuré l'ampleur de ce qu'était être juif en France. Comme beaucoup de d'ashkénazes, sa famille est traumatisée de la Shoah. A tel point qu'ils en ont perdu leur pratique récurrente, et que mon mari et son frère ont été élevés dans des écoles catholiques. Et tant d'autres choses que je ne peux pas écrire car Tom la Patate ne le supporterait pas. J'ai compris qu'il y avait eu tant de traumatismes que même certains juifs n'osaient plus être juifs, que l'état de merde de notre pays face à cette religion avait complètement décalqué sur la perception de Tom la Patate sur ses propres origines. Il parvient à se déclarer « juif », même s'il se sent obligé d'ajouter « non pratiquant », parce qu'en France, de toutes les façons, être pratiquant, (de quelque religion que ce soit) c'est MAL.

Quel est l'intérêt de ce laïus ? Aucun, si ce n'est vous raconter ma vie direz-vous ? Oui, sûrement, je suis de toutes façons hyper narcissique ! Mais au-delà de tout cela : cela m'interroge : ne sommes-nous pas en vrai un peu antisémites en France ? N'avons-nous pas, au nom du conflit israélo-palestinien, pris parti pour une communauté au détriment d'une autre, comme si on pouvait transposer ce qui se passe à des milliers de kilomètres ici ? Est-ce que toute ma vie les gens penseront que mon fils est juif avec un drôle d'air parce que son nom est juif ?

On avait envisagé d'appeler notre fils Jacob. Notre entourage nous a dit que Jacob, ça faisait vraiment trop juif, et comme une conne, ça a résonné comme un argument chez moi. Un argument pour ne pas le faire, alors que Jacob est un prénom magnifique. Et finalement, est-ce si grave de résonner juif, musulman, ou catho ? J'en sais rien, je n'ai pas la réponse. Aujourd'hui, je résonne grecque et je ne suis pas certaine que cela soit mieux.

Quoiqu'il en soit, si vous voulez vous interroger sur votre rapport aux juifs de France, vous pouvez lire ce navet qui aura au moins – et c'est sérieusement non négligeable – réussi à interroger son lecteur sur sa position face à cette question.


Jo la Frite


Autant le dire tout de suite, ce livre présente une intrigue pour ainsi dire nulle. En gros, une femme écrivain – Emilie Frèche elle-même – est mariée depuis plus de 15 ans au même homme. Ils ont ensemble deux filles et chose assez rare après 15 ans de mariage, ils sont encore heureux ensemble ! Mais voilà, un jour Emilie rencontre un homme dangereux, un autre écrivain, qui va la plonger dans une obsession destructrice. Pour le côté ragot people chez les écrivains, cet homme dangereux serait l'écrivain Patrick Besson, avec qui Emilie Frèche règle ses comptes durant l'ouvrage. Voilà, c'est dit, les rumeurs sont écrites !

Des histoires d'adultère, il y en a des TONNES dans la littérature, et celle-ci est franchement banale voire chiante, pour le dire vulgairement. Ce n'est donc certainement pas pour cela que je recommanderais ce livre. En revanche, ce livre a réussi à me convaincre de quelque chose que je savais déjà, mais que probablement je refusais de voir en face : la densité de l'antisémitisme en France !

Emilie Frèche est juive, son mari est juif, bref sa famille est juive. L'homme dangereux qu'elle rencontre, appelé Benoît Parent dans le livre (mais Patrick Besson dans la réalité, si vous avez bien suivi), ne l'est pas. Jusque-là, rien de dingue. Sauf que l'air de rien, le petit Benoît, ça le dérange cette judaïté, il ne peut pas s'empêcher d'en parler et de dire des phrases complètement folles auxquelles j'imagine nous nous sommes habituées en France : « J'adore les juives / Allez rigole, on m'a dit que les juifs avaient de l'humour… ». Dis comme ça, ça paraît anodin car nous sommes censés pouvoir rire de tout ; Seulement voilà, à quel moment un comportement devient limite ? le Benoit Parent, il ne paye jamais rien avec la petite Emilie, il la laisse toujours sortir sa carte parce que bon, on ne va pas se mentir, les juifs sont blindés… Et puis, il n'est pas étonné que son mari soit chirurgien, parce que bon, les juifs font tous des professions libérales qui rapportent un max… Et tout est à l'avenant ! En gros, qu'on veuille le reconnaître ou non, en France, on se pose la question de la judaïté de quelqu'un dès qu'on entend son nom, qu'on le voit bronzé en Rolex, ou intellectuel de gauche avec un nom à résonnance de l'Est… Pourquoi ? Je ne sais pas. Les écoles juives et les synagogues sont cernées de flics et l'on ne s'en offusque pas, pourtant cela signifie bien que les juifs de France ne vivent pas dans les mêmes conditions de sécurité que nous. Qu'on le veuille ou non, en tolérant cette situation, on se fait les garants de cet antisémitisme plus ou moins latent.

Je me suis alors interrogée sur ma propre conduite, loin d'être exemplaire. J'ai toujours été jalouse des personnes juives car j'ai toujours rêvé dans le fond d'être juive. Il y a un truc dans le jaudaïsme qu'Emilie Frèche explique très bien : les gens sont jaloux ou envieux des juifs car ils pensent que le peuple « élu » reflèterait une préférence du Grand Créateur. Or, être juif, ce n'est pas une préférence donnée, mais une responsabilité qui incombe : celle de faire perdurer le judaïsme en dépit de ce qui peut se passer. En fait, être juif, c'est lourd à porter, et ça, j'en suis convaincue. Depuis plusieurs années maintenant, je ne sors qu'avec des juifs, jusqu'à mon mari – juif également – que j'ai épousé. Evidemment, j'étais jalouse de ne pas pouvoir en faire partie. Et puis mon mari est arrivé et j'ai mesuré l'ampleur de ce qu'était être juif en France. Comme beaucoup de d'ashkénazes, sa famille est traumatisée de la Shoah. A tel point qu'ils en ont perdu leur pratique récurrente, et que mon mari et son frère ont été élevés dans des écoles catholiques. Et tant d'autres choses que je ne peux pas écrire car Tom la Patate ne le supporterait pas. J'ai compris qu'il y avait eu tant de traumatismes que même certains juifs n'osaient plus être juifs, que l'état de merde de notre pays face à cette religion avait complètement décalqué sur la perception de Tom la Patate sur ses propres origines. Il parvient à se déclarer « juif », même s'il se sent obligé d'ajouter « non pratiquant », parce qu'en France, de toutes les façons, être pratiquant, (de quelque religion que ce soit) c'est MAL.

Quel est l'intérêt de ce laïus ? Aucun, si ce n'est vous raconter ma vie direz-vous ? Oui, sûrement, je suis de toutes façons hyper narcissique ! Mais au-delà de tout cela : cela m'interroge : ne sommes-nous pas en vrai un peu antisémites en France ? N'avons-nous pas, au nom du conflit israélo-palestinien, pris parti pour une communauté au détriment d'une autre, comme si on pouvait transposer ce qui se passe à des milliers de kilomètres ici ? Est-ce que toute ma vie les gens penseront que mon fils est juif avec un drôle d'air parce que son nom est juif ?

On avait envisagé d'appeler notre fils Jacob. Notre entourage nous a dit que Jacob, ça faisait vraiment trop juif, et comme une conne, ça a résonné comme un argument chez moi. Un argument pour ne pas le faire, alors que Jacob est un prénom magnifique. Et finalement, est-ce si grave de résonner juif, musulman, ou catho ? J'en sais rien, je n'ai pas la réponse. Aujourd'hui, je résonne grecque et je ne suis pas certaine que cela soit mieux.

Quoiqu'il en soit, si vous voulez vous interroger sur votre rapport aux juifs de France, vous pouvez lire ce navet qui aura au moins – et c'est sérieusement non négligeable – réussi à interroger son lecteur sur sa position face à cette question.


Jo la Frite


Autant le dire tout de suite, ce livre présente une intrigue pour ainsi dire nulle. En gros, une femme écrivain – Emilie Frèche elle-même – est mariée depuis plus de 15 ans au même homme. Ils ont ensemble deux filles et chose assez rare après 15 ans de mariage, ils sont encore heureux ensemble ! Mais voilà, un jour Emilie rencontre un homme dangereux, un autre écrivain, qui va la plonger dans une obsession destructrice. Pour le côté ragot people chez les écrivains, cet homme dangereux serait l'écrivain Patrick Besson, avec qui Emilie Frèche règle ses comptes durant l'ouvrage. Voilà, c'est dit, les rumeurs sont écrites !

Des histoires d'adultère, il y en a des TONNES dans la littérature, et celle-ci est franchement banale voire chiante, pour le dire vulgairement. Ce n'est donc certainement pas pour cela que je recommanderais ce livre. En revanche, ce livre a réussi à me convaincre de quelque chose que je savais déjà, mais que probablement je refusais de voir en face : la densité de l'antisémitisme en France !

Emilie Frèche est juive, son mari est juif, bref sa famille est juive. L'homme dangereux qu'elle rencontre, appelé Benoît Parent dans le livre (mais Patrick Besson dans la réalité, si vous avez bien suivi), ne l'est pas. Jusque-là, rien de dingue. Sauf que l'air de rien, le petit Benoît, ça le dérange cette judaïté, il ne peut pas s'empêcher d'en parler et de dire des phrases complètement folles auxquelles j'imagine nous nous sommes habituées en France : « J'adore les juives / Allez rigole, on m'a dit que les juifs avaient de l'humour… ». Dis comme ça, ça paraît anodin car nous sommes censés pouvoir rire de tout ; Seulement voilà, à quel moment un comportement devient limite ? le Benoit Parent, il ne paye jamais rien avec la petite Emilie, il la laisse toujours sortir sa carte parce que bon, on ne va pas se mentir, les juifs sont blindés… Et puis, il n'est pas étonné que son mari soit chirurgien, parce que bon, les juifs font tous des professions libérales qui rapportent un max… Et tout est à l'avenant ! En gros, qu'on veuille le reconnaître ou non, en France, on se pose la question de la judaïté de quelqu'un dès qu'on entend son nom, qu'on le voit bronzé en Rolex, ou intellectuel de gauche avec un nom à résonnance de l'Est… Pourquoi ? Je ne sais pas. Les écoles juives et les synagogues sont cernées de flics et l'on ne s'en offusque pas, pourtant cela signifie bien que les juifs de France ne vivent pas dans les mêmes conditions de sécurité que nous. Qu'on le veuille ou non, en tolérant cette situation, on se fait les garants de cet antisémitisme plus ou moins latent.

Je me suis alors interrogée sur ma propre conduite, loin d'être exemplaire. J'ai toujours été jalouse des personnes juives car j'ai toujours rêvé dans le fond d'être juive. Il y a un truc dans le jaudaïsme qu'Emilie Frèche explique très bien : les gens sont jaloux ou envieux des juifs car ils pensent que le peuple « élu » reflèterait une préférence du Grand Créateur. Or, être juif, ce n'est pas une préférence donnée, mais une responsabilité qui incombe : celle de faire perdurer le judaïsme en dépit de ce qui peut se passer. En fait, être juif, c'est lourd à porter, et ça, j'en suis convaincue. Depuis plusieurs années maintenant, je ne sors qu'avec des juifs, jusqu'à mon mari – juif également – que j'ai épousé. Evidemment, j'étais jalouse de ne pas pouvoir en faire partie. Et puis mon mari est arrivé et j'ai mesuré l'ampleur de ce qu'était être juif en France. Comme beaucoup de d'ashkénazes, sa famille est traumatisée de la Shoah. A tel point qu'ils en ont perdu leur pratique récurrente, et que mon mari et son frère ont été élevés dans des écoles catholiques. Et tant d'autres choses que je ne peux pas écrire car Tom la Patate ne le supporterait pas. J'ai compris qu'il y avait eu tant de traumatismes que même certains juifs n'osaient plus être juifs, que l'état de merde de notre pays face à cette religion avait complètement décalqué sur la perception de Tom la Patate sur ses propres origines. Il parvient à se déclarer « juif », même s'il se sent obligé d'ajouter « non pratiquant », parce qu'en France, de toutes les façons, être pratiquant, (de quelque religion que ce soit) c'est MAL.

Quel est l'intérêt de ce laïus ? Aucun, si ce n'est vous raconter ma vie direz-vous ? Oui, sûrement, je suis de toutes façons hyper narcissique ! Mais au-delà de tout cela : cela m'interroge : ne sommes-nous pas en vrai un peu antisémites en France ? N'avons-nous pas, au nom du conflit israélo-palestinien, pris parti pour une communauté au détriment d'une autre, comme si on pouvait transposer ce qui se passe à des milliers de kilomètres ici ? Est-ce que toute ma vie les gens penseront que mon fils est juif avec un drôle d'air parce que son nom est juif ?

On avait envisagé d'appeler notre fils Jacob. Notre entourage nous a dit que Jacob, ça faisait vraiment trop juif, et comme une conne, ça a résonné comme un argument chez moi. Un argument pour ne pas le faire, alors que Jacob est un prénom magnifique. Et finalement, est-ce si grave de résonner juif, musulman, ou catho ? J'en sais rien, je n'ai pas la réponse. Aujourd'hui, je résonne grecque et je ne suis pas certaine que cela soit mieux.

Quoiqu'il en soit, si vous voulez vous interroger sur votre rapport aux juifs de France, vous pouvez lire ce navet qui aura au moins – et c'est sérieusement non négligeable – réussi à interroger son lecteur sur sa position face à cette question.


Jo la Frite









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