AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


Me voici de retour et avec jubilation dans l'oeuvre de René Frégni. Ici dans Lettre à mes tueurs, l'écrivain renoue avec le récit romanesque. Ce n'est sans doute pas le registre dans lequel je préfère retrouver l'un de mes auteurs préférés. Ayant visité plusieurs de ses livres, ses récits autobiographiques sont ceux qui me touchent le plus, venant au plus près de l'âme, portant les mots brûlés par le soleil de Provence comme une respiration apaisante loin du tumulte du monde.
Pourtant, entre les lignes, j'ai reconnu à travers le narrateur quelqu'un qui ressemble étrangement à l'écrivain. C'est une des signatures de René Frégni, se frayer un chemin, renaître dans ses romans, y déposer un peu de sa vie.
Ici peu de quiétude dès l'entame du roman. Nous sommes à Marseille, « ville posée sur la mer » à la fin de l'été 2003. La canicule vient de sévir atrocement sur tout le pays, et plus particulièrement dans le sud de la France. le narrateur, Pierre Chopin, écrivain local cherche l'inspiration devant la page blanche. Il est dans son appartement, au dernier étage de son immeuble, sous les toits, au bord des tuiles disjointes qui chauffent comme des braises sous le soleil de septembre.
Il vit là, parmi les livres, sous le ciel et les oiseaux de Provence, de temps en temps sa fille Julie passe, qui est la prunelle de ses yeux, elle vit désormais chez sa mère Anne dont il est séparé.
C'est alors qu'un homme sonne à la porte, surgit en trombe. Ils se connaissent depuis l'enfance. Leurs itinéraires se sont ensuite totalement séparés. C'est Charlie qui a suivi la route du grand banditisme. Il est blessé, est en fuite, cherche à cacher quelque chose de précieux dans sa fuite, une cassette mystérieuse, la tend à Pierre Chopin qui désigne alors à son ami d'enfance un chemin pour fuir par les toits.
À quoi tient le basculement du destin lorsque l'astre solaire fond sur une ville avec ses lames brûlantes, éblouissantes ?
Alors, tout va basculer, emportant Pierre Chopin dans une traque sans répit, poursuivi par des tueurs qui n'ont guère envie de parler poésie avec le narrateur.
Il découvre un univers monstrueux que son imaginaire d'écrivain n'avait jamais osé effleurer.
Dans cette fuite effrénée, il n'y a pas d'un côté les voyous et de l'autre la police. Ce serait trop facile. Comment reconnaître ceux qui peuvent vous protéger ?
Il lui faut alors s'effacer dans le paysage...
Mais dans cette cavale improbable qui va l'amener jusqu'à une île de la Baltique au large du Danemark, c'est l'occasion pour le narrateur de revenir sur les pas de son enfance et je dois reconnaître que ce sont alors les plus belles pages du récit, comme des pépites de lumière qui surgissent de la nuit.
Dans cette course poursuite, l'auteur sait dire la beauté, l'élégance, l'éternité d'un paysage perdu dans une contrée lointaine.
Des courbes féminines ondulent comme des vagues sensuelles, déplacent l'air, Pierre Chopin leur tend la main mais il n'a guère le temps de laisser son coeur frémir et chavirer à une joie même éphémère.
Ce paysage perdu c'est aussi celui de son enfance, dans la Provence qui lui est chère, dans l'odeur de l'océan et des figuiers. Les ruelles étroites où le petit Pierrot aimait courir.
Marseille, le Vieux-Port, les étoiles qui se reflètent au-dessus de l'eau dans le tangage des bateaux qui mouillent... Les mouettes sont rieuses dans la brume.
Il se souvient des plages, les calanques, le sable qui murmure sous les pieds nus. Les premières baignades avec Marilou, ce premier baiser, leurs ventres mouillés et brûlants l'un contre l'autre. L'odeur de septembre remonte comme un vertige dans la mémoire de Pierre Chopin.
Cette traque, c'est une fugue vers l'enfance.
Dans cette traque qui le ramène au quartier de son enfance, il y a toujours un espace protégé du temps et de la fureur du monde, loin des trépidations des balles, où il est encore possible de faire une pause, reprendre sa respiration.
Dans ces respirations, il y a la tendresse de sa mère dont le souvenir revient comme une vague. Il y a sa fille Julie, "sa petite voix qui glisse sur l'eau calme des rêves". Il y a celle qui n'est plus et celle en devenir, à portées de voix, à portées de mots, les mots solaires de René Frégni.
Commenter  J’apprécie          445



Ont apprécié cette critique (41)voir plus




{* *}