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Critique de fanfanouche24


Après des heures de boulot enrichissantes mais "dévorantes"...je me suis octroyée comme d'habitude une récréation très bienfaisante, en fouinant à Mémoire7 , librairie agréable de Clamart...J'ai ainsi déniché la réédition de ce texte, publié la première fois en 1945, à Genève, d'une femme extraordinaire, juive polonaise, passionnée de littérature et de langue françaises.
Cette dernière fonda en 1921, en dépit d'une ambiance hostile d'après-guerre...la première librairie française , à Berlin...avec son époux.

Cette réédition est un vrai cadeau, car nous apprenons incidemment dans le dossier de pièces justificatives, ajoutés à la fin de l'ouvrage, et plus particulièrement dans les "remerciements", celui , central, à Michel Francesconi, qui trouva un exemplaire de "Rien où poser sa tête" dans un vide-greniers de Nice et fut le premier à le lire et à le partager"

Cette librairie ,comme je l'ai écrit précédemment, Françoise Frenkel la fonda avec son mari, Simon Raichenstein.
Comme elle, il avait fait ses études à Paris avant la Première Guerre mondiale...Jusqu'à 1933, ils firent vivre cette librairie , en commun.

En novembre 1933, Il quitte définitivement Berlin pour Paris... (Il sera raflé à Paris en juillet 1942, et mourra en déportation en août de la même année).

Elle réussit à faire vivre ce lieu avec succès jusqu'en 1938... puis la montée du nazisme l'empêcha d'exercer son métier. Elle se réfugia en France puis en Suisse. Elle raconte ce parcours douloureux, loin des siens...


Dans ce récit des plus mouvementés, Françoise Frenkel nous présente tour à tour des héros anonymes, des "justes" qui n'ont pas hésité à la cacher, l'aider, la protéger, elle , et bien d'autres juifs pourchassés...A l'opposé se trouvaient d'autres figures moins sympathiques, dans le zèle du régime de Vichy et de la délation... Ces derniers n'hésitaient pas à dénoncer ou à montrer leur franche hostilité...



En dépit de la peur extrême, des épreuves et même des moments de vraie terreur, à l'idée d'être déportée ou tuée...la narratrice déploie dès que l'occasion la plus minime se déploie, son amour de la vie, de la Nature, de la beauté...d'exister...

"Ce voyage au tribunal fut pour nous une réelle récréation. Il offrait l'occasion de quitter pour des heures la prison, de contempler le soleil, la forêt, les champs, les Alpes avec leurs cimes neigeuses, l'hiver dans toute sa splendeur." (p. 212)

La narratrice a rédigé son périple éprouvant, semé des deuils de ses proches... dès son arrivée en Suisse en 1943, après trois tentatives...Elle réussit à survivre, se décrivant ainsi " Discrètement,le soldat suisse marchait devant moi, portant le lamentable baluchon, compagnon de mes fuites successives qui contenait tout ce que j'avais emporté de France, hormis un cœur désolé et fatigué à mort..." (p. 258)

On peut être étonné par l' extrême retenue de l'auteure... pas un mot de son mari... quelques évocations douloureuses à l'absence de nouvelles de sa famille et de sa maman. Ce récit décrit le parcours de peur d'une femme pourchassée en tant de guerre et de discrimination raciale mais aussi de façon centrale nous est offerte les descriptions minutieuses du peuple français, dans cette période des plus sombres...Françoise Frenkel n'omet jamais d'exprimer sa reconnaissance infinie envers les personnes généreuses qui l'ont soutenue, protégée et aider dans ses fuites successives... dont ce couple niçois, les Marius, coiffeurs... ayant toute la guerre ,aidé les réfugiés et toute personne en danger... au risque de leur propre sécurité...

"En présence de ces êtres qui me témoignaient tant de dévouement, je fondis en larmes. Mes déceptions, mon amertume s'en allèrent, effacées par un immense sentiment de gratitude. Eux aussi paraissaient émus, car si la joie d'être sauvé est grande, celle de porter secours à un être humain dans la détresse doit, sans doute, la dépasser chez les cœurs bien nés. "(p. 155)

"Douloureusement oppressée par la séparation toute proche, je faisais mes adieux aux montagnes, aux prairies et aux champs, au village paisible, à ce vaste horizon, à la France.
La tristesse de devoir franchir ses frontières en fraude, comme une malfaitrice , m'envahissait. Pour me donner du courage, je me remémorai toutes les souffrances, presque surhumaines, que j'avais supportées, mais en même temps le terrible malheur de la France et son asservissement sans limite s'imposèrent à ma conscience.
Soudain, un sentiment naquit et grandit en moi- La nostalgie déchirante de ce pays que j'allais quitter" (p. 256)
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