Citations sur Rien où poser sa tête (55)
Un fond de sadisme doit être caché en tout homme pour se dévoiler lorsqu'une occasion se présente. Il suffisait qu'on ait donné à ces garçons, somme toute paisibles, le pouvoir abominable de chasser et de traquer des êtres humains sans défense pour qu'ils remplissent cette tâche avec une âpreté singulière et farouche qui ressemblait à de la joie. (p. 129-130)
On écrivait partout, tout le monde écrivait. Des personnes qui n'avaient jamais aimé tenir la plume expédiaient des cartes en ces jours d'isolement; chacun éprouvait un besoin de se sentir de la famille, des amis, des traits d'union humains. (p; 71)
A notre époque, l'écrivain se montre sur les écrans de télévision et dans les foires du livre, il s'interpose sans cesse entre ses oeuvres et ses lecteurs et devient un voyageur de commerce. On regrette le temps de notre enfance où on lisait Le trésor de la Sierra Madre signé sous un faux nom: B Traven, par un homme dont ses éditeurs eux-mêmes ignoraient l'identité.
(Préface de Patrick Modiano)
Un rayonnement émanait de sa bonté et sa présence rassurait comme une belle matinée de soleil un jour de paix. (p.237)
" Mon désespoir au sujet des miens était immense; je ne lui voyais plus de reméde.
La France à son tour saignait .Bien qu'on essayât de se rappeler l'époque de 1914- 1918 et que l'on évoquât volontiers la Marne , on n'y trouvait plus aucune analogie avec le temps présent ....
L'on ne voyait qu'un monde en train de s'effondrer."
Ce voyage au tribunal fut pour nous une réelle récréation. Il offrait l'occasion de quitter pour des heures la prison, de contempler le soleil, la forêt, les champs, les Alpes avec leurs cimes neigeuses, l'hiver dans toute sa splendeur. (p. 212)
La poste n'était pas seulement le grand contact avec le monde, l'invention merveilleuse d'où venaient la voix d'un disparu, un appel, une réponse, elle remplissait en outre des heures dont le vide était écrasant. Elle comblait les solitudes d'un vague espoir et créait, entre les êtres réunis devant le guichet, une solidarité humaine. (p73)
Je compris cette nuit-là pourquoi j'avais pu supporter l'accablante atmosphère des dernières années à Berlin... J'aimais ma librairie, comme une femme aime, c'est -à-dire d'amour;
Elle était devenue ma vie, ma raison d'être. (p; 48)
En présence de ces êtres qui me témoignaient tant de dévouement, je fondis en larmes. Mes déceptions, mon amertume s'en allèrent, effacées par un immense sentiment de gratitude. Eux aussi paraissaient émus, car si la joie d'être sauvé est grande, celle de porter secours à un être humain dans la détresse doit, sans doute, la dépasser chez les cœurs bien nés. (p. 155)
" Je cherchais auprès de mes livres réconfort et encouragement .
Et subitement je perçus une mélodie infiniment délicate......
Elle venait des étagéres , des vitrines, de partout où les livres menaient leur vie mystérieuse ....
J'étais là..... J'écoutais .....
C'ètait la voix des Poétes , leurs consolations fraternelles à ma grande détresse .Ils avaient entendu l'appel de leur amie et faisaient leurs adieux à la pauvre libraire dépossédée de son royaume ......."