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EAN : 9782070108398
304 pages
Gallimard (15/10/2015)
3.96/5   185 notes
Résumé :


En 1921, Françoise Frenkel, jeune juive polonaise passionnée par la langue et la culture françaises, fonde la première librairie française de Berlin "La Maison du Livre".

Rien où poser sa tête raconte son itinéraire : contrainte, en raison de ses origines juives, de fuir l'Allemagne en 1939 après la prise de pouvoir d'Hitler, elle gagne la France où elle espère trouver refuge.

C'est en réalité une vie de fugitive qui l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (48) Voir plus Ajouter une critique
3,96

sur 185 notes
Après des heures de boulot enrichissantes mais "dévorantes"...je me suis octroyée comme d'habitude une récréation très bienfaisante, en fouinant à Mémoire7 , librairie agréable de Clamart...J'ai ainsi déniché la réédition de ce texte, publié la première fois en 1945, à Genève, d'une femme extraordinaire, juive polonaise, passionnée de littérature et de langue françaises.
Cette dernière fonda en 1921, en dépit d'une ambiance hostile d'après-guerre...la première librairie française , à Berlin...avec son époux.

Cette réédition est un vrai cadeau, car nous apprenons incidemment dans le dossier de pièces justificatives, ajoutés à la fin de l'ouvrage, et plus particulièrement dans les "remerciements", celui , central, à Michel Francesconi, qui trouva un exemplaire de "Rien où poser sa tête" dans un vide-greniers de Nice et fut le premier à le lire et à le partager"

Cette librairie ,comme je l'ai écrit précédemment, Françoise Frenkel la fonda avec son mari, Simon Raichenstein.
Comme elle, il avait fait ses études à Paris avant la Première Guerre mondiale...Jusqu'à 1933, ils firent vivre cette librairie , en commun.

En novembre 1933, Il quitte définitivement Berlin pour Paris... (Il sera raflé à Paris en juillet 1942, et mourra en déportation en août de la même année).

Elle réussit à faire vivre ce lieu avec succès jusqu'en 1938... puis la montée du nazisme l'empêcha d'exercer son métier. Elle se réfugia en France puis en Suisse. Elle raconte ce parcours douloureux, loin des siens...


Dans ce récit des plus mouvementés, Françoise Frenkel nous présente tour à tour des héros anonymes, des "justes" qui n'ont pas hésité à la cacher, l'aider, la protéger, elle , et bien d'autres juifs pourchassés...A l'opposé se trouvaient d'autres figures moins sympathiques, dans le zèle du régime de Vichy et de la délation... Ces derniers n'hésitaient pas à dénoncer ou à montrer leur franche hostilité...



En dépit de la peur extrême, des épreuves et même des moments de vraie terreur, à l'idée d'être déportée ou tuée...la narratrice déploie dès que l'occasion la plus minime se déploie, son amour de la vie, de la Nature, de la beauté...d'exister...

"Ce voyage au tribunal fut pour nous une réelle récréation. Il offrait l'occasion de quitter pour des heures la prison, de contempler le soleil, la forêt, les champs, les Alpes avec leurs cimes neigeuses, l'hiver dans toute sa splendeur." (p. 212)

La narratrice a rédigé son périple éprouvant, semé des deuils de ses proches... dès son arrivée en Suisse en 1943, après trois tentatives...Elle réussit à survivre, se décrivant ainsi " Discrètement,le soldat suisse marchait devant moi, portant le lamentable baluchon, compagnon de mes fuites successives qui contenait tout ce que j'avais emporté de France, hormis un cœur désolé et fatigué à mort..." (p. 258)

On peut être étonné par l' extrême retenue de l'auteure... pas un mot de son mari... quelques évocations douloureuses à l'absence de nouvelles de sa famille et de sa maman. Ce récit décrit le parcours de peur d'une femme pourchassée en tant de guerre et de discrimination raciale mais aussi de façon centrale nous est offerte les descriptions minutieuses du peuple français, dans cette période des plus sombres...Françoise Frenkel n'omet jamais d'exprimer sa reconnaissance infinie envers les personnes généreuses qui l'ont soutenue, protégée et aider dans ses fuites successives... dont ce couple niçois, les Marius, coiffeurs... ayant toute la guerre ,aidé les réfugiés et toute personne en danger... au risque de leur propre sécurité...

"En présence de ces êtres qui me témoignaient tant de dévouement, je fondis en larmes. Mes déceptions, mon amertume s'en allèrent, effacées par un immense sentiment de gratitude. Eux aussi paraissaient émus, car si la joie d'être sauvé est grande, celle de porter secours à un être humain dans la détresse doit, sans doute, la dépasser chez les cœurs bien nés. "(p. 155)

"Douloureusement oppressée par la séparation toute proche, je faisais mes adieux aux montagnes, aux prairies et aux champs, au village paisible, à ce vaste horizon, à la France.
La tristesse de devoir franchir ses frontières en fraude, comme une malfaitrice , m'envahissait. Pour me donner du courage, je me remémorai toutes les souffrances, presque surhumaines, que j'avais supportées, mais en même temps le terrible malheur de la France et son asservissement sans limite s'imposèrent à ma conscience.
Soudain, un sentiment naquit et grandit en moi- La nostalgie déchirante de ce pays que j'allais quitter" (p. 256)
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"L'on pourrait écrire un volume sur le courage, la générosité et l'intrépidité de ces familles, qui, au péril de leur vie, apportaient leur aide aux fugitifs dans tous les départements et même en France occupée ......"
" Merci de bien vouloir prier pour moi, je cherche l'apaisement: mes deuils sont nombreux et j'ignore où reposent les miens, ma Douleur est grande ......"
Voici deux extraits d'un magnifique récit pudique, à la retenue étonnante qui conte le parcours mouvementé d'une femme extraordinaire, née en1889 , amoureuse des écrivains et de la littérature, juive, d'origine polonaise .
Elle fonda avec son mari, Simon Raichenstein, malgré le contexte et l'ambiance contrainte, malaisée de l'après grande - guerre , en 1921 , la premiére librairie française "de Berlin : La Maison du livre".

Elle avait fait ses études à Paris avant la guerre .. Cette librairie se voulait un centre de pensée française , le passage obligé des écrivains de l'entre- deux - guerres .
Françoise Frenkel est contrainte de fuir l'Allemagne pour gagner la France afin d' y trouver refuge...
Son mari est raflé à Paris. Il meurt le 19 août 1942 à Auschwitz- Birkenau. Elle l'évoque à peine dans ses écrits,...
Ce témoignage émouvant, inédit , découvert par hasard dans un vide - Grenier à Nice , écrit dans le contexte immédiat de la seconde guerre mondiale posséde un caractère à part, universel , précieux à plus d'un titre, passionnant ......
Ce livre sorti de l'oubli préfacé parPatrick-Modiano conserve, miraculeusement intacts , comme si nous y étions: la voix , les émotions , les convictions, les peurs , les craintes, de cette femme perdue dans un abîme de tristesse ....livrée à une vie de fugitive ....
Elle décrit minutieusement à l'aide d'une belle écriture , douce, sans pathos, son parcours entre clandestinité et statut de réfugiée , à partir de l'été 42....
Elle aura affaire à un couple de coiffeurs, au dévouement incomparable, monsieur et madame Marius .
Ils prendront nombre de risques élevés pour la sauver , ses bienfaiteurs attitrés seront toujours là lorsqu'elle sera traquée, abattue, désespérée.
Suivent un quotidien de cache, de craintes , de restrictions, les difficultés du ravitaillement , les soupçons, la rigueur du temps , l'exode, le recensement des juifs de tous les pays ,les trafics, les moyens hasardeux , ingénieux et dangereux à la fois de fuite vers la Suisse, l'Espagne ou l'Angleterre, les passeurs....la dénonciation .l'incarcération puis la libération de Françoise , les personnes aidantes, madame Lucienne , Melle Marion, la confiscation de ses malles , les allers et retours vers Nice, Annecy, Grenoble...
Elle a eu une chance certaine .....
Elle ne donne aucune leçon , conte son quotidien et son itinéraire sans jamais se plaindre...
Le dévouement, le désintéressement de ses bienfaiteurs force le respect......dans une France où la suspicion régnait ....la guerre et toutes sortes de difficultés itinérantes ....
Elle ne se met jamais en avant , raconte avec objectivité sans juger ....Une femme qui a réussi échapper à un destin tragique, sur un fil.....
Cette impression donne une force et une justesse incroyables à ce récit autobiographique ....
Je le conseille!
Original, pétri d'émotions , convaincant , il compléte les nombreux ouvrages déjà lus à propos de cette période sombre....
Encore une fois mon texte est trop long, que ceux qui me liront me pardonnent , je ne sais pas faire court...
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"Rien où poser sa tête", c'est la préoccupation lancinante des exilés, des réfugiés, de tous ces individus jetés par milliers sur les routes, ballottés par la vindicte des conflits du monde. Ecrit dans le contexte immédiat de l'après seconde Guerre mondiale, le témoignage de Françoise Frenkel possède quelque chose d'universel qui lui donne une force supplémentaire. C'est une femme traquée, comme d'autres à cette période, qui témoigne, une femme anonyme qui raconte son histoire dans l'ombre. Patrick Modiano qui a accepté de préfacer ce livre, nous explique qu'il n'a pas envie d'en savoir plus sur le personnage, sur son devenir après la guerre, qu'il n'est pas toujours pertinent de mettre en lumière l'individu derrière l'écrivain même si la tendance actuelle fait souvent d'eux des personnages publics.
Ecrit et publié dès 1945, à une date relativement proche des événements donc, ce texte est un témoignage précieux sur ce que furent ces parcours chaotiques de fugitifs pendant la Seconde guerre mondiale. Il répond à un besoin impérieux de vérité, à la volonté de mettre en avant, les multiples solidarités, petites ou grandes, qui ont permis de sauver des vies. Les lâchetés, les dénonciations, le zèle féroce de certains fonctionnaires asservis aux lois de Vichy ou à celles de l'Occupant ne sont pas tus pour autant. C'est une femme lucide qui témoigne. Dès les années 30, elle a été rompue à surmonter des formes de tracasseries diverses, non pas tant en raison de ses origines d'ailleurs, que par la profession qu'elle a choisie, celle de libraire, libraire à Berlin, spécialisée dans la vente de livres français. En 1920, quand elle décide de s'installer, constatant l'absence de toute librairie française dans cette capitale, elle doit déjà convaincre et lever les réticences associées à une telle entreprise, le traité de Versailles ayant nourri un fort sentiment d'hostilité vis-à-vis de la France. Mais il en faut davantage pour dissuader cette Polonaise, francophile convaincue, ayant fait ses lettres à la Sorbonne et elle parvient à donner de l'ampleur à "La Maison du Livre français à Berlin" créant même une animation culturelle, organisant des rencontres, des conférences, acquérant une certaine notoriété consacrée par la visite de Briand lui-même. Avec l'arrivée des Nazis au pouvoir, elle n'est plus libre de vendre ce qu'elle veut, de nombreux auteurs sont mis à l'index et sa librairie fait l'objet d'une surveillance étroite. En 1935, avec la promulgation des lois raciales, c'est elle-même, en tant que juive, qui est visée. Pourtant, elle tient jusque 1939, se réfugie alors en France, à Paris, à défaut de pouvoir atteindre la Pologne, déjà en guerre. Bien sûr, le refuge est précaire. Avec l’invasion allemande, elle part pour le Sud, Avignon d'abord puis Nice. Nice qui devient l'impasse où aboutissent toutes les errances, représentants d'un gotha en perdition, coincés par la guerre, ou réfugiés de toutes nationalités ayant déjà fui plusieurs pays. Pour tenter de sortir de cette impasse, une énergie considérable devait être déployée pour obtenir auprès des commissariats ou de la préfecture, visa, sauf-conduit ou permis de séjour. Partir ou rester, tout nécessitait des heures d'attente et d'angoisse pour les réfugiés étrangers, avec le risque d'un papier qui manque, d'une disposition modifiée, d'un fonctionnaire peu compréhensif. J'ai rarement lu un livre où ces difficultés étaient aussi minutieusement décrites et analysées. Elles permettent de comprendre, tout comme les difficultés du ravitaillement, la lassitude générale des populations.
A partir de l'été 1942 et des premières rafles systématiques de Juifs, la réfugiée entre en clandestinité. Commence alors pour elle un autre parcours, encore plus difficile mais où elle va bénéficier de nombreuses formes de bienveillance et de solidarités. Bien sûr, certains chercheront à tirer parti de la situation mais globalement, elle aura affaire à des protecteurs totalement désintéressés, à commencer par le couple de coiffeurs, Monsieur et Madame Marius, qui prendront des risques infinis pour la sauver. Bien difficile de dire si le parcours de Françoise Frenkel est représentatif de l'aide qui a été apportée aux pourchassés et réfugiés. A-t-elle eu une chance particulière ? A t-elle pu compter sur des amis particulièrement soucieux de son sort comme ce couple de Suisses dont on ne sait rien sauf qu'ils lui renouvellent autant que possible son visa ? La situation de Nice sous Occupation italienne de novembre 1942 à septembre 1943, avec une application un peu moins féroce des mesures antisémites, a -t-elle joué, lui donnant pour un temps un répit profitable ?
Françoise Frenkel ne donne pas de leçons. Elle dit simplement, sans chercher à se mettre en avant, ce qu'il en a été pour elle, pour les autres réfugiés qu'elle a côtoyés à l'hôtel La Roseraie ou à la prison d'Annecy, Elle n'oublie aucune des aides, un simple sourire parfois, qui lui ont été apportées. La sobriété qu'elle s'impose donne à son témoignage une justesse et une force incomparables.
Il était temps que ce livre sorte de l'oubli et rappelle le parcours courageux de cette femme, un peu comme un juste retour des choses pour celle qui défendit tant les livres.

Lien : http://leschroniquesdepetite..
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Le sobre témoignage d'une femme traquée. Née polonaise et de confession juive en 1889. Après des études en France et en Allemagne, Françoise Frenkel ouvre en 1921 la première librairie française de Berlin. Elle sera le témoin involontaire d'un pays qui sombre dans les abîmes du nazisme. Elle persiste à promouvoir la culture française à Berlin jusqu'en 1939 malgré un climat ambiant cauchemardesque. Elle se réfugie ensuite à Paris. L'invasion allemande la contraint à fuir de nouveau en mai 1940. Vichy, Avignon, puis Nice. L'obtention d'un visa pour la suisse. Un ultime départ vers la Savoie pour un passage clandestin de la frontière. Son périple dans la France de Pétain est empreint de délation, de dénonciation, d'incarcération, mais aussi d'humanité et de solidarité. Elle nous décrit avec simplicité et objectivité le quotidien des français divisés dans cette période trouble de l'histoire.
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"Ce qui fait la singularité de Rien où poser sa tête c'est qu'on ne peut pas identifier son auteur de manière précise" écrit Patrick Modiano dans sa préface.
En effet, Françoise Frenkel, l'auteur, n'a écrit qu'un seul livre, publié en Suisse en 1945 et réédité 70 ans plus tard.
En 1921, cette jeune polonaise a fondé avec son mari la première librairie française de Berlin "la Maison du Livre" : heureuse époque pleine d'effervescence (conférences, réceptions avec dédicaces d'auteurs parmi lesquels Barbusse, A.Gide, Roger Martin du Gard...) mais, en 1939 au vu des événements elle quitte Berlin pour Paris juste avant la déclaration de guerre.
Parce que juive, elle fuit dans le sud de la France.
Ce livre raconte son quotidien, ses craintes,les restrictions, les attitudes des Français divisés.
de 1940 à 1943, c'est une vie de fugitive : Avignon, Vichy, Nice , la Savoie et le salut une fois passé les fils de fer barbelés : "j'étais en Suisse, j'étais sauvée !"
Son témoignage n'est jamais plaintif, elle relate simplement les faits avec tact et mesure, avec pudeur (elle ne parle pas de son mari déporté).
C'est un livre plein d'émotions sans aucune animosité, ni reproche : "merci de vouloir prier pour moi - je cherche l'apaisement : mes deuils sont nombreux et j'ignore où reposent tous les miens.Ma douleur est grande".
Françoise Frenkel est morte à Nice en 1975.
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critiques presse (1)
LeFigaro
03 décembre 2015
Le témoignage de la mystérieuse Françoise Frenkel.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (55) Voir plus Ajouter une citation
Un fond de sadisme doit être caché en tout homme pour se dévoiler lorsqu'une occasion se présente. Il suffisait qu'on ait donné à ces garçons, somme toute paisibles, le pouvoir abominable de chasser et de traquer des êtres humains sans défense pour qu'ils remplissent cette tâche avec une âpreté singulière et farouche qui ressemblait à de la joie. (p. 129-130)
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A notre époque, l'écrivain se montre sur les écrans de télévision et dans les foires du livre, il s'interpose sans cesse entre ses oeuvres et ses lecteurs et devient un voyageur de commerce. On regrette le temps de notre enfance où on lisait Le trésor de la Sierra Madre signé sous un faux nom: B Traven, par un homme dont ses éditeurs eux-mêmes ignoraient l'identité.
(Préface de Patrick Modiano)
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On écrivait partout, tout le monde écrivait. Des personnes qui n'avaient jamais aimé tenir la plume expédiaient des cartes en ces jours d'isolement; chacun éprouvait un besoin de se sentir de la famille, des amis, des traits d'union humains. (p; 71)
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Arrivée à l'avenue, je tombai sur un attroupement. Plusieurs autocars stationnaient, entourés de nombreux policiers. Puis arrivèrent des gendarmes poussant devant eux, ou tenant par les bras, des hommes, des femmes et des enfants.
- Que se passe-t-il ? demandai-je à un camionneur.
- On ramasse les juifs, répondirent plusieurs voix à la fois.
- Voilà qu'on fait la chasse à l'homme maintenant, remarqua un ouvrier d'un ton réprobateur.
Une foule s'amassait autour des autocars.
Traversant l'avenue, je me dirigeai machinalement vers la mer. Je m'assis sur un banc, déposant mon panier à mes pieds.
Devant moi s'étendait la Méditerranée ; derrière, il n'y avait plus d'issue. Je demeurai là longtemps, essayant de rassembler mes idées.
La route côtière était déserte. Au bout d'un moment, un groupe d'agents cyclistes arriva dans ma direction. J'attendis qu'ils fussent passés et je revins ensuite vers l'avenue.
Les autocars y stationnaient encore et l'on y amenait toujours des gens par groupes de deux, de trois, de quatre ou de cinq. Ils portaient des valises ou simplement des paquets. Les gendarmes les poussaient dans les voitures. Deux autocars bondés démarrèrent. Deux autres, vides, les remplacèrent aussitôt.
Une seconde, la tentation me vint de courir vers ce rassemblement et de crier : "Emmenez-moi, je suis des leurs !"
Un sentiment de joie intense m'envahit à cette pensée de solidarité et d'immolation. Mais la logique froide reprit le dessus.
A qui ce sacrifice servirait-il ? Que pourrait-il changer ? A quoi bon ?
L'instinct de conservation m'avait subjuguée.
L'amertume de cette vérité me pèse aujourd'hui et me pèsera jusqu'à la fin de mes jours.
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L'armée allemande avançait, piétinait la Pologne, s'y établissait. Je suivais avec angoisse sur la carte ce progrès foudroyant de l'ennemi...
La T.S.F donnait inlassablement des détails horrifiants de carnage, de bataille, de bombardement, de dévastation et de massacres de populations. C'était aux heures des repas que la radio diffusait les communiqués et l'on devait s'habituer à manger, boire, mâcher, avaler, tout en écoutant les nouvelles sanglantes et désastreuses. L'horreur s'installa dans la vie quotidienne.
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