Nous étions les filles de ces pères qui ne trouvaient le temps de nous parler qu’à la retraite.
La vie m’avait appris quelques principes, et l’un d’eux disait : mange comme un homme, bois comme un homme et prends congé comme une dame.
Voir les gens âgés s'enlacer, s'embrasser timidement, parfois même passionnément, me faisait honte. Pas parce que c'était honteux, au contraire, quelque chose de l'ordre du sacré se jouait là. Ce bonheur tardif, comme on dit, me paraissait plus sincère que le bonheur précoce et, à plus forte raison, que celui de la quarantaine, que je ne considérais même pas comme du bonheur, mais comme un geste d'indigence et d'ennui. Je trouvais qu'il n'y avait rien de plus bateau, de plus fantasmé que le bonheur des amoureux de quarante ans. Il fallait qu'ils aient trente ans de plus pour que je veuille bien les croire. Peut-être ne s'agissait-il que de moi, peut-être me disais-je que les vieux portaient en eux le courage et l'espoir auxquels j'avais moi-même renoncé depuis longtemps. (page 94)
J’étais arrivée à un âge où je comprenais de moins en moins les choses, où ma vie tenait de plus en plus du comique de répétition, ou du traumatisme, auraient dit certains.
On a besoin d’amis pour les bons moments, pour les mauvais on y arrive tout seul.
On se contentait de continuer, et continuer était moins difficile qu’on l’avait pensé.
Depuis des années, le monde entier me recommandait de tomber amoureuse. Comme si c'était une planche de salut, comme si j'avais besoin d'une planche de salut. Comme si je n'avais rien de mieux à faire. (Page 48)
Comme chaque soir, les appareils photo faisaient la mise au point sur le coucher de soleil. On pouvait s’estimer heureux quand on avait quelqu’un pour poser au premier plan.
Il fallait se lever tôt pour trouver le bonheur en Italie, on était trop nombreux à le chercher là.
Les rides désormais profondes restaient blanches quand le reste bronzait. Comme si mon portrait avait explosé de l’intérieur.