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Critique de AmandineMM


Après le dernier crâne et Madame, le valet… Et oui, encore Sade. Cet auteur à la vie et à la personnalité atypique me fascine, et je ne suis pas la seule dans ce cas si j'en crois la bibliographie, critique aussi bien que romanesque, qui lui est consacrée. Nikolaj Frobenius s'est bien informé à son sujet et, tout en prenant quelques libertés pour les besoins de l'intrigue, a représenté assez fidèlement le « divin marquis » selon les traits de sa biographie officielle. Homme de plaisir et de cour, gentilhomme plein de verve et d'à-propos, il souffrira beaucoup de ses enfermements successifs, en particulier ceux ordonnés par sa belle-mère par lettre de cachet, donc sans procès ni date de fin de condamnation. C'est ainsi qu'il s'aigrira et se radicalisera dans ses écrits, sans jamais avoir réalisé tout ce qu'il a décrit.

Le marquis de Sade, ainsi que l'indique le titre, n'est néanmoins pas le personnage principal de ce roman : celui qui l'est est bien plus terrible dans ses actes, au point qu'il est parvenu à horrifier son maître même. Il s'agit du valet de Sade, tour à tour nommé Latour, Martin Quiros ou président de Curval (Nikolaj Frobenius a ici réuni deux valets du marquis et l'un de ses personnages en un seul, afin de créer un nouvel être imaginaire aux côtés de Sade). le lecteur suit son parcours de sa naissance à sa mort, avec un certain Parfum à l'esprit… Cette référence intertextuelle n'est jamais citée, mais est très présente à travers le personnage de Latour, qui se rapproche par bien des aspects de Jean-Baptiste Grenouille : son histoire est également celle d'un meurtrier à la recherche de ce qu'il ignore/ne possède pas (une odeur pour le personnage de Süskind, le sens de la douleur pour celui de Frobenius). Cet « handicap » semble de même le déshumaniser et l'empêcher de connaître la compassion et la morale (jusqu'à un certain point). Malgré l'horreur qu'il suscite, tant par lui-même que par sa recherche macabre de la source de la douleur, ce personnage est tout à fait fascinant et terriblement intelligent. En un certain sens, il interroge également les limites de la science : ses techniques sont discutables, mais lui ont permis de faire d'importantes découvertes scientifiques ; jusqu'où la science peut-elle aller ? est justement l'un des débats qui agite le 18e siècle des Lumières, dont ce Latour fictif est l'une des faces sombres.

Au-delà de cette histoire et de ce personnage qui m'a fasciné, j'ai également beaucoup apprécié les choix narratifs de Nikolaj Frobenius : les chapitres alternent la narration à la troisième et à la première personne du singulier, de façon à modifier la distance prise vis-à-vis du meurtrier et à impliquer plus ou moins le lecteur. le style varie de même entre longues phrases élégantes pour la narration générale et de courtes phrases, comme une respiration entrecoupée, qui traduit l'angoisse du personnage.

Un roman fascinant, dans la lignée du Parfum de Süskind, et une belle représentation sadienne. (commentaire rédigé avec une pensée pour immortelle68, en espérant qu'il sera satisfaisant)
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