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Critique de Woland


Etoiles Norabénistes : ******

Joker No Kuni No Alice - Circus To Usotsuki Game
Traduction : Géraldine Oudin
Adaptation Graphique : Clair Obscur

ISBN : 9782355928826

ATTENTION ! PAS DE CHUTES DE NEIGE PREVUES POUR CETTE FICHE MAIS UNE VERITABLE ATTAQUE DE SPOILERS. MA VOYANTE EST PLUS QUE FORMELLE. EN REVANCHE, POUR LA NEIGE DE L'ENDROIT D'OU JE VOUS ENVOIE CETTE FICHE, ELLE NE VOIT VRAIMENT RIEN ...



Il suffit souvent que les femmes s'y mettent pour faire progresser une affaire pour le moins compliquée, surtout si celle-ci a été compliquée presque à plaisir par les désirs masculins. Ce tome VI d'"Alice au Royaume de Joker" en est l'exemple quasi parfait et permet de faire avancer l'action, de façon à vrai dire surprenante, par l'intermédiaire de Vivaldi, la Reine de Coeur, non sans que celle-ci soit allée au passage tirer l'oreille de son petit frère, le Chapelier.

Comme nous l'avions vu au tome précédent, Alice s'était enfin résolue à avouer ses sentiments à Blood. Celui-ci en était resté coi. (Plus précisément, il avait pensé : "Oh là là !" tandis que, en parallèle, ayant lâché son aveu, Alice se disait elle-même : "Oh là là !" ) de plus, la jeune fille estimait de son côté que, tant que lui-même ne confessait pas qu'il éprouvait envers elle un sentiment autre que physique, elle n'irait pas plus loin. Nous l'avions quittée au moment où, toujours impulsive et plus ou moins inconsciente du mal qu'elle s'apprêtait à faire, elle allait annoncer la nouvelle au Lapin Blanc, nouvelle, qui, on s'en doute et bien qu'il s'y attendît plus ou moins, avait plutôt secoué Peter White.

Ce qui explique en partie la violence, tout-à-fait exceptionnelle chez cet être qui aime Alice plus qu'il ne s'aime lui-même, avec laquelle il réagit, frôlant même, sous sa forme évidemment humaine, le viol pur et simple. Qui pourrait d'ailleurs s'accomplir dès les premières pages de ce tome VI si Peter, ne retrouvant la raison et usant de son intelligence habituelle, ne choisissait le meilleur moyen pour renvoyer Alice saine et sauve droit dans les bras du Chapelier : faire mine de la frapper, la menacer carrément de "ne pas lui donner sa bénédiction" ... et la laisser s'échapper sans tenter de la rattraper. Notre héroïne ne mettra pas d'ailleurs longtemps à comprendre la tactique utilisée par le Lapin Blanc qui, après tout, n'a pas été nommé Premier ministre sans raison.

Un gros, un énorme problème reste néanmoins sur les bras d'Alice : comment annoncer à Vivaldi qu'elle veut quitter le Château de Coeur ? (D'autant que, dans les premières pages en couleur de l'ouvrage, l'auteur fait une allusion très nette à la possibilité d'un amour lesbien ressenti par la Reine envers la jeune fille.) Signalons aussi que, dans cette version de l'histoire, qui est tout de même la troisième, Alice ignore encore que Vivaldi et Blood sont frère et soeur et ont l'habitude de se retrouver en tant que tels dans la fameuse Roseraie, jardin secret du Chapelier, que celui-ci a rendu invisible pour tout autre que certains initiés. Ce qui l'amène parfois, dans son ignorance, à suspecter Blood de jouer avec ses sentiments et de la tromper avec une autre femme.

Il n'en est rien, bien sûr, puisque cette femme, c'est Vivaldi. Ajoutons, pour finir, que, sortis de la Roseraie, l'un et l'autre redeviennent ennemis et sont capables de se battre sauvagement pour la possession de tel ou tel territoire.

Autre rôle ô combien intéressant de cette Roseraie : c'est là que Vivaldi - sans que le lecteur le sache - va convaincre son frère de monter, envers Alice, un complot il est vrai dangereux mais qui forcera la jeune fille à choisir sa voie sans possibilité pour elle de revenir en arrière. Si le moyen est périlleux, il devrait toutefois lui permettre d'échapper à la fois aux Jokers et au Bourreau. En tous cas, jusqu'à la prochaine Saison d'Avril ...

Il faut dire que, bien qu'ayant clamé au Lapin Blanc, jusqu'à la provocation pure et simple, qu'elle aimait pour de bon Blood Dupré, des irrésolutions, ou plutôt des spectres d'irrésolutions, flottent encore tout au fond du petit coeur d'Alice. Ainsi, ayant croisé dans la Forêt aux flèches et aux portes un Ace "en voyage" - lisez égaré - elle lui fait part, à lui aussi, de ses intentions toutes neuves et cette fois-ci bien déterminées envers le Chapelier. le résultat est pour le moins inattendu : la voilà transportée une nouvelle fois dans la prison des Jokers.

C'est là que le Joker-Directeur de Cirque lui annonce ironiquement qu'Ace n'est autre que le Bourreau. Révélation qui ne déstabilise pas pour un sou la jeune fille. le changement d'uniforme du Chevalier de Coeur, désormais habillé lui aussi d'une vareuse semblable à celle du Joker-Gardien mais un peu plus sobre, ne l'étonne absolument pas et, comme elle le fait remarquer, non sans quelque aigreur, aux deux hommes : "Je ne suis pas idiote ..." - ce que, d'ailleurs, aucun des deux ne se permet de contester.

Si Alice vient d'échouer une fois encore dans l'éternelle et atypique prison des Jokers, et si Ace lui apparaît dans l'uniforme qu'il arbore dans son rôle de Bourreau, la jeune fille n'en a pas moins conscience de douter encore - à la fois de ses torts envers sa soeur aîné et de ses sentiments envers le Chapelier. Quant à Ace, son changement d'uniforme ne l'a pas placé non plus à l'abri de ses errances personnelles. Tout bourreau officiel qu'il soit à Wonderland, il reste lui aussi dans le doute : doit-il se décider (enfin !!!) à exécuter le Chapelier et le Lièvre de Mars, lesquels sont, tous deux, tombés depuis déjà un temps considérable "sous sa juridiction" ? Et puis, lequel exécuter en premier ? Blood, qui fut la "clef" de l'évasion, ou Eliott, qui accepta la liberté proposée ? Un seul coupable suffirait peut-être ? Mais, s'il les exécute tous les deux, doit-il faire souffrir l'un plus que l'autre ? Et si oui, lequel ? ...

Je vous laisse imaginer la tête du Joker-Directeur de Cirque en entendant de tels ratiocinages dans la bouche du Bourreau ... Ce qui est tolérable chez un Ace toujours un peu dans les nuages devient carrément insupportable chez le Bourreau officiel de Wonderland !

Pour se remettre les idées à l'endroit, du moins peut-on le supposer, le Joker s'en va donc appuyer un pistolet sur la tempe de la Lorina-Fantasme, toujours enfermée dans sa cellule, en demandant à Alice si elle a vraiment fait son choix. Ce à quoi l'interpellée lui répond, dans un long cri et avec cette rage dont elle sait faire montre, que oui, elle veut rester avec Blood ! Coup de feu. Mais le lecteur ne voit que des taches de sang sur le sol ... C'est évidemment le moment que choisit le Chapelier pour apparaître. Comme il l'explique, avec son exquise urbanité, à Ace et au Joker, il vient chercher Alice et, au passage, peut-il leur faire remarquer qu'il est vraiment scandaleux de s'acharner comme ils le font sur une jeune fille aussi bien élevée qu'Alice Liddell ?

Deuxième coup de feu et là, on en est certain parce que, même ombrée, on sait qu'il s'agit de sa silhouette, le Joker s'effondre ...

Puis, avec cette brusquerie virevoltante à laquelle nous a depuis longtemps habitués la série, c'est dans la prairie du Cirque, face à un Joker qui, bien qu'ayant endossé le costume du Directeur de Cirque, provisoirement indisponible en raison de blessures à soigner, n'est autre que le Joker-Gardien, que se retrouve Alice. Bien que furieux contre la jeune fille, ce Joker-là, plus bougon mais moins dissimulé que le Directeur de Cirque, et qu'Alice décide - bien que ce ne soit pas vraiment le moment - de baptiser "Joker Noir" en lui expliquant que, entre lui et son compère, elle finit par s'y perdre, lui donne un indice précieux : il lui déclare que, de tous les acteurs, lui et son double sont ceux qui ont le moins de personnalité. "Nous te reflétons, Alice ..." lui dit-il "et tant que tu auras des remords, nous ne disparaîtrons pas." Mais quand il lui propose la partie de black jack traditionnelle, "puisque c'est le jeu", ainsi qu'il le soupire, résigné, elle refuse et lui déclare qu'elle préfère rester en cette saison. En fait, elle veut savoir ce que sont devenus Blood et Ace.

Du reste de ce tome particulièrement agité, il faut retenir la rupture violente entre Vivaldi et Alice. La Reine s'est en effet persuadée que la jeune fille avait comploté sa mort et la condamne à être guillotinée. A partir de là, Alice constate, non sans amertume, que les gens de Wonderland, qu'elle aimait tant et dont elle croyait qu'ils l'aimaient aussi, surtout les acteurs, paraissent se détourner d'elle. le Chapelier lui-même est présent à l'exécution, tranquillement assis parmi les notables et d'un calme comme toujours olympien. (Il est vrai que, même avec le canon du pistolet du Lapin Blanc sur le front, il est toujours d'un calme jupitérien.)

Alors, tout est-il bien fini pour Alice ? Tout va-t-il s'arrêter là, alors qu'elle a le cou emprisonné dans les branches de l'impressionnante guillotine toute noire et si haute, si haute ? ...

... Non, bien sûr ! Ne me dites pas que vous avez cru un instant que la mangaka avait consacré le septième et dernier tome à la description de ses funérailles ! ;o)
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