-Attention, attention, - me disais-je - personne n'est assez coriace pour supporter en permanence le mépris de soi !
Mais de quelque façon que j'essaie de diriger mon âme, elle repartait sans cesse, comme une bête rétive en direction de l'incertitude et d'un froid qui pétrifiait. Comme si elle voulait pencher du côté de la mort.
- Mais qu'est-ce que j'ai donc ?
- Il y a un précipice en nous, - me dis-je,- oui, un précipice. Entre ce que nous sommes vraiment et ce que nous vivons.
Car comment réagit un professeur tout ce qu'il y a de plus sérieux lorsqu'il lui faut entendre des choses dont il n'a, au cours de toute une vie, jamais pu se faire la moindre idée ? Avec des formules avant tout.
Ce fut le plus beau cours de ma vie. Complet, à la limite de la pédanterie, parfait. Ni si léger qu'il eût pu être qualifié de frivole, ni assez sec pour aller dans le sens de cette tendance de la vie à tout dessécher. J'avais été gai et élégant - et précis en outre.
"Oui je suis puéril, je le suis toujours, j'attends encore quelque chose, comme lorsque j'étais adolescent. Il est pourtant grand temps de me faire à l'idée que la vie se passe sans miracle. De me faire à l'idée qu'il faut être tenace et s'obstiner, même si rien ne doit s'accomplir : ni l'après-midi, ni à la fin de la journée. - Le soir venu, c'est comme un voyageur traversant le désert, accablé par la chaleur et la soif, que l'homme va prendre son repos et qu'il attend le lendemain, tenace et obstiné."
- Alors que tout entière, jusqu'à la moindre parcelle de son être, elles n'est que brûlure, elle reste là à faire le pied de grue, s'obligeant à la patience. Ou bien est-ce que nous vivons tous de cette façon ? [...] Je ne comprends pas ça, définitivement je ne comprends pas. Pour qui agissons-nous ainsi, hein, qui est-ce que nous révérons au point de courber la tête comme nous le faisons ? Ou bien tout ne commence-t-il pas là où les autres commencent à se scandaliser, n'est-ce pas là que commencent la vie, la joie et tout le reste ?