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Critique de Luniver


Avant de commencer, toutes mes excuses aux lecteurs et lectrices qui croyaient échapper au ballon rond au moins ici, et qui réalisent que Babelio n'est même plus ce havre de paix tant espéré. Je compatis à votre douleur (mais ça ne m'empêchera pas de poursuivre cette critique).

Les phases de groupe de ce mondial tout juste terminées, le supporter avisé ne manquera pas de se poser une question : pourquoi les pays africains (principalement le Nigéria, le Ghana et le Mali) sont-ils abonnés aux finales des coupes du monde de 17 ans, alors que ces mêmes pays ont toutes les peines du monde à passer les phases de groupe chez les « adultes » ?

L'histoire commence avec l'arrêt Bosman, dans lequel la Cour de Justice européenne interdit les quotas de joueurs étrangers (3 maximum) dans les clubs de football : les travailleurs sont libres de circuler. La bonne affaire pour bon nombre de clubs européens qui viennent d'obtenir un accès illimité à un vivier de joueurs talentueux et bien moins chers, en Amérique du Sud, mais surtout en Afrique.

Et ça change beaucoup de choses en Afrique aussi : car, si en Amérique du Sud, on peut vivre correctement de son salaire de footballeur au pays, en Afrique, la jeunesse ne songe qu'à partir, par tous les moyens. Les rares entraîneurs qui osent faire un sondage chez leurs poulains obtiennent une envie de départ de pratiquement 100 % . Leurs histoires pourraient faire sourire si elles n'étaient pas tragiques : un gardien qui s'enfuit en douce à la mi-temps d'un match à Paris, préférant vivre en clandestin en France que rentrer en professionnel chez lui ; ou d'autres joueurs qui disparaissent dans la nature lors d'un stage au Maghreb, si proche de l'eldorado européen tant espéré.

Évidemment, quand l'envie de partir est si forte, tous les coups sont permis, comme tricher sur son âge pour se faire passer pour un jeune espoir. L'administration en Afrique n'étant pas toujours très efficace, un petit billet suffit généralement pour avoir trois, quatre, ou cinq ans de moins. D'où, d'ailleurs, les victoires éclatantes chez les « moins de 17 ans » qui en ont souvent une vingtaine. À tel point que, les plaisanteries les plus courtes étant toujours les meilleures, ces dernières années, des examens médicaux ont exclu jusqu'à un tiers des effectifs de certaines « jeunes » équipes africaines.

Le problème, c'est qu'en voulant quitter son pays à tout prix, le plus souvent, on finit par le payer. Faisant miroiter des contacts dans des clubs prestigieux, une foule de petits escrocs s'épanouit sur ces rêves de départ, et n'a pas grand-chose à envier aux « passeurs » traditionnels. Quand leurs contacts ne disparaissent pas une fois la somme de « frais de dossier » perçue, les jeunes se retrouvent le plus souvent sans ressources dans un pays où leur présence est rarement en règle.

Au final, est-ce que le problème est vraiment le monde du football ? Même si les réflexes colonialistes n'ont pas tout à fait disparu dans le milieu, et même si les footballeurs sont plus souvent perçus en termes de rendement et de plus-value qu'en êtres humains, au final, ces réseaux ne peuvent exister que par l'envie de départ généralisée de la jeunesse africaine. le football est alors perçu comme une porte de sortie moins risquée qu'un exode en clandestin, et tous, bons ou mauvais joueurs, espèrent passer à travers les mailles du filet. le but est de quitter son pays natal pour vivre, et après, on verra. Perçu comme ça, on comprend qu'hisser sa nation en demi-finale de coupe du monde n'est pas vraiment une préoccupation majeure.
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