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Critique de jvermeer


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« Il faut encanailler l'art. Il y a trop longtemps que vous faites de l'art bon genre et à la pommade. »

J'ai devant les yeux le catalogue exceptionnel que nous a offert la Galerie Nationale du Grand Palais à l'occasion de l'exposition Gustave Courbet de 2007/2008. Superbe !

L'oeuvre de Gustave Courbet est complexe. Tous les thèmes de la peinture ont été abordés par le peintre. Un « réaliste » disait-on. Ses nus féminins le présente comme un peintre de la sensualité. L'un de ses tableaux les plus célèbres « L'Origine du monde », entré au musée d'Orsay en 1995, fait de lui un artiste impudique, alors que cette toile n'était pas destinée à être exposée à l'origine.

« Je suis son seulement socialiste, mais bien encore démocrate et républicain, en un mot partisan de toute la révolution, et par-dessus tout réaliste. »
La politique tient un rôle important dans la vie de Courbet. Il est lié au socialiste Proudhon. Opposant de Napoléon III, son engagement dans la Commune de Paris de 1871, suivit de poursuites et condamnations pour la démolition de la Colonne Vendôme dramatisèrent ses dernières années.

Cinq oeuvres, essentielles à mes yeux, présentes dans l'exposition, donnent un aperçu d'ensemble du travail de ce grand peintre trop souvent incompris à son époque.

« PORTRAIT DE L'ARTISTE », dit « LE DÉSESPÉRÉ », 1845
Un fou ? Il semblerait que ce curieux tableau (en couverture du catalogue) pourrait faire référence à une période d'abattement, en début de carrière de l'artiste. le cadrage serré du portrait en fait une des images les plus saisissantes de sa carrière.

« L'ENTERREMENT À ORNANS », 1850
Cet immense tableau s'est bien assombri au musée d'Orsay. Les usages et les costumes francs-comtois sont montrés dans un paysage réel, celui du cimetière d'Ornans inauguré en 1848. Une cinquantaine d'habitants de la ville, des paysans, des artisans, des ecclésiastiques, des bourgeois, des socialistes, sont mêlés. L'artiste élève au rang d'évènement historique, un épisode banal, familier, un simple enterrement campagnard.
Les caricaturistes, choqués par cette peinture sociale, tournent en ridicule le peintre et ses modèles. « Quand je ne serai plus contesté, je ne serai plus important » dit Courbet.

« LA FEMME À LA VAGUE », 1868
L'alliance de l'onde et de la femme. On ne voit que le superbe buste dénudé de la jeune femme qui paraît prendre appui sur l'eau, le visage rose éclairé par un léger sourire.

« LA FILEUSE ENDORMIE » (sa soeur Zélie), 1853
Ce beau tableau a inspiré le poème de Paul Valéry : « La fileuse » dans « La Conque », 1891
« Assise, la fileuse au bleu de la croisée
Où le jardin mélodieux se dodeline ;
Le rouet ancien qui ronfle l'a grisée.
Lasse, ayant bu l'azur, de filer la câline
Chevelure, à ses doigts si faible évasive,
Elle songe, et sa tête petite s'incline. […]
Mais la dormeuse file une laine isolée ;
Mystérieusement, l'ombre frêle se tresse
Au fil de ses doigts longs et qui dorment, filée.
Le songe se dévide avec une paresse
Angélique, et sans cesse, au doux fuseau crédule,
La chevelure ondule au gré de la caresse... »

« L'ATELIER DU PEINTRE », 1855
Delacroix note dans son « Journal » d'août 1855 : « Je vais voir l'exposition de Courbet qu'il a réduite à 10 sous. J'y reste seul pendant près d'une heure et j'y découvre un chef-d'oeuvre dans son tableau refusé ; je ne pouvais m'arracher à cette vue. On a rejeté là un des ouvrages les plus singuliers de ce temps, mais ce n'est pas un gaillard à se décourager pour si peu. »

Courbet considère cet immense tableau comprenant une trentaine de personnages plus grands que nature, comme « l'histoire morale et physique de son atelier ».
Cette peinture énigmatique, ressemblant à une sorte de triptyque composé de trois parties, ne cesse d'interroger... Serait-ce un nouveau « coup » de Courbet ? Une vaste farce ?
Le contexte historique et politique de l'époque a certainement beaucoup influencé l'artiste : révolution industrielle, apparition d'une nouvelle société de classes : la bourgeoisie et la classe ouvrière. Marx et Proudhon ont commencé à élaborer la doctrine socialiste.
En décembre 1854, Courbet décrit la toile à Champfleury :
Au centre, l'artiste peignant un paysage est l'élément principal du triptyque. Il symbolise l'acte créateur. Une femme nue regarde le peintre au travail.
À gauche, le peuple, la misère, la pauvreté, la richesse, les exploités, les exploiteurs, les gens qui vivent de la mort. La société dans ses intérêts et ses passions.
À droite sont les amis du peintre, les travailleurs, les amateurs du monde de l'art.

« Les gens qui voudront juger auront de l'ouvrage, ils s'en tireront comme ils pourront » écrit Courbet ironiquement.
J'avancerais trois interprétations sur cet étonnant tableau, un des plus importants du musée d'Orsay : Une peinture d'histoire à l'implication politique évidente, montrant à la fois Napoléon III et le socialiste Proudhon ; une allégorie morale et sociale ; un autoportrait de l'artiste ou, pour certains, une allégorie du destin de Courbet.
Et si l'orgueilleux Courbet n'avait voulu tout simplement présenter que son idéal d'artiste, un manifeste esthétique...

https://www.wikiart.org/fr/gustave-courbet/latelier-du-peintre-1855


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