AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de DETHYREPatricia


Livre lu dans le cadre du Prix des Auteurs Inconnus 2023, catégorie noire, dont je suis l'un des jurés.
https://www.facebook.com/prixdesauteursinconnus/
https://www.instagram.com/prixdesauteursinconnus/
https://twitter.com/prixdesai
https://www.prixdesauteursinconnus.com/

Dès la couverture, répondant aux codes du genre et le résumé de quatrième de couverture, nous étions fixés : ce sera un thriller noir, sanglant, psychologique, voire très dérangeant dès lors qu'il met en exergue les vices, devenus addictions, des uns et des autres et nous entraîne aux frontières de la folie humaine.

Si j'avais placé l'extrait présélectionné dans les meilleurs, je ne l'avais toutefois pas retenu dans mes votes finaux (le choix était particulièrement ardu !) mais, l'ayant à présent lu dans sa totalité, je ne regrette vraiment pas la découverte de cet auteur (qui en est à son troisième livre, celui-ci étant le dernier).

L'action se déroule principalement aux USA, en 2021, dans le parc de Yellowstone, en Idaho, et notamment dans un lieu appelé la "Zone de la mort" (superficie 130 km2), à cheval sur trois états américains (Wyoming, Idaho, Montana), ce qui confère à cette zone un statut administratif et juridique particulier "autorisant" tous les excès.

De nombreuses descriptions très détaillées permettent au lecteur d'avoir une idée du gigantisme de l'endroit, de la beauté des paysages faits de chaînes de montagne, de bois, de lacs, de longues routes droites ou sinueuses, et de petites villes "de campagne" tranquilles, plutôt isolées et guères habituées à un serial-killer. Car, on le verra, de meurtres en série, il en sera largement question.

Le roman débute par la narration d'un premier "incident" (feu dans une maison) survenu en juillet 2021. Mais, il ne s'agit pas d'un feu "ordinaire" dès lors que le propriétaire de la maison y est retrouvé mort dans ces circonstances particulièrement atroces et machiavéliques.

Puis, on fait un saut dans le temps avec la narration, au second chapitre, d'un accident de voiture survenu quarante ans avant, en septembre 1981, accident au cours duquel les parents de la famille Sparks décèderont, laissant deux jeunes garçons de quatre ans orphelins.
Un saut dans le temps unique, mais dont on verra par la suite qu'il aura des conséquences dans le présent de narration.

La découverte de ce premier corps ne laisse aucun doute au shérif de Cody (dans le Wyoming) : c'est criminel. Mais il s'interroge : pourquoi s'en prendre à la victime et quel est le sens de cette mise en scène ? Dès lors, l'enquête débute et elle sera confiée à Kate Andrew (une jeune femme déterminée, perfectionniste et qui n'a pas froid aux yeux) et à Akecheta (un Indien fin connaisseur du terrain et particulièrement branché chamanisme).
L'affaire se corse lorsque, à un rythme régulier, de nouveaux meurtres sont perpétrés, sur des personnes à première vue insignifiantes, que rien ne semble relier entre elles, et toujours dans des circonstances particulièrement atroces.
Les scènes décrites sont criantes de réalisme et visuellement insoutenables. Si vous aimez le gore, vous serez servis !

Mais Cody n'est hélas pas la seule petite ville concernée. D'autres meurtres auront lieu dans la fameuse Zone de la mort, à charge pour le shérif de Driggs : Mike Sparow, et son équipe de mener l'enquête. Heureusement, Mike et Kate, se connaissent pour avoir vécu ensemble une histoire d'amour torride mais terminée et sont restés en bons termes, ce qui leur permet d'échanger sur leurs meurtres respectifs et leurs implications... Et de se soutenir ou de s'éclairer mutuellement si nécessaire.

L'arrestation d'un premier suspect (Bill Thomas) permet d'ouvrir une piste prometteuse qui tendrait à éclairer d'un oeil neuf la réalité des faits : on retrouve chez lui, un mystérieux cahier, un texte codé (qui montrera après déchiffrage qu'il est question d'un mystérieux "Cavalier rouge" et qu'il y en a d'autres, que plusieurs lieux sont concernés et qu'un compte à rebours est commencé). Et puis, il y a sur chacune des scènes de crime, ces fameux extraits de textes bibliques. Quel est le sens de ces textes ? Les enquêteurs n'en sont qu'au début...
Toutefois, un point commun semble réunir les différentes victimes : toutes semblent souffrir d'une addiction ou s'y complaire : le tabac, le sexe, la paresse, la violence, les jeux vidéo, la drogue, la masturbation. Toute la question est : pourquoi les punir, elles en particulier ? S'agit-il d'une vengeance personnelle ou de quelque chose de plus large ? Qui tire les ficelles car il est manifeste qu'il n'y a non pas un meurtrier, mais plusieurs, et d'autres potentiels fixés sur des cibles manifestement pas encore activées !

Assez rapidement, un autre suspect est arrêté, suspecté d'être la tête pensante de l'organisation. Celui-ci est bien connu des services de police avec lesquels il collabore depuis plusieurs années. Mais, malgré la présence de preuves matérielles, malgré un mobile crédible, le profil ne colle manifestement pas. Pourquoi et comment celui-ci est-il impliqué ? Qui cherche-t-il à couvrir ?

L'auteur nous entraîne à un rythme haletant (chapitres courts et alternant les villes et les acteurs) dans la découverte des crimes et dans le suivi de l'enquête (des enquêtes en fait) en cours ! Tout est magnifiquement décrit, c'est très visuel (parfois trop pour les scènes décrivant les meurtres). le beau (les paysages du parc Yellowstone, la description des chaînes de montagnes) côtoie le moche, mais on ne s'y attarde pas car la lecture se fait à un rythme effréné tant on a envie, besoin d'en savoir plus sur le pourquoi du comment, sur les responsabilités potentielles des premières personnes arrêtées, sur celles encore dans l'ombre.

Tout cela ne semble pas très moral et le message implicite culpabilisant peut gêner (faut-il nécessairement tuer toutes les personnes souffrant de vices et d'addictions, même s'il est vrai qu'ils peuvent être un fléau pour leurs proches ?). Néanmoins, on comprendra in fine que dans la psyché des personnes à l'origine des meurtres, une faille s'est ouverte conférant à la folie...

J'ai vraiment apprécié ce roman noir pour la qualité de son écriture (vocabulaire, registre de langue, syntaxe, orthographe), pour la qualité de ses descriptions (on a le sentiment que l'auteur connaît bien la région et plus globalement la culture américaine et nous les fait partager), pour l'aspect très documenté de son propos (notes de fin de chapitres), pour le rythme haletant (chapitres courts et alternatifs), pour le suspense savamment distillé, et avec lui une intensité dramatique qui va crescendo.

J'ai également fortement ressenti, en contrepoint, des messages subliminaux tendant à mettre en exergue toute la beauté de la Nature, toute la nécessité de la préserver et de vivre en harmonie avec elle. En cela, le rôle de l'Indien (et de son animal totem) est signifiant (connaissance des lieux, croyances millénaires, ressenti émotionnel, connexion avec les éléments). de même, que l'écriture qui, dans ces paragraphes, se veut beaucoup plus visuelle, colorée, poétique et lyrique.

En revanche, j'ai eu plus de mal à apprécier le caractère par trop répétitif des citations sur le (les) vice(s), répétitions qui confèrent à la lourdeur. D'ailleurs, personnellement, je fais un réel distinguo entre vice (volontaire et immoral) et addiction (subie et pas forcément immorale). Et puis, la présence de citations personnelles de l'auteur (dans son propre livre) m'ont également surprises et gênée. Voulait-il faire comprendre au lecteur qu'il est lui-même touché par des vices et des addictions ?

De même, j'ai été gênée par les trop nombreuses adresses au lecteur. Ex : "lorsque vous empruntez...", "Ce grand gaillard... vous surprendrait par sa rapidité.", "sur des forums que vous ne trouverez jamais", etc. Je pense que l'auteur aurait très bien pu en faire l'économie.

Sur l'aspect formel, j'ai apprécié avoir des informations hors contexte mais, parfois, j'ai trouvé que leur longueur cassait le rythme de façon assez conséquente et conférait parfois au guide touristique ou à l'encyclopédie. Peut-être, l'auteur aurait-il dû mettre ces parties en notes de fin de chapitres comme d'autres informations, plutôt que de les inclure dans le récit lui-même.

J'ai aussi, à un moment donné, eu bien du mal à m'y retrouver entre les différentes victimes, les différents cavaliers, les différentes équipes de policiers et les différents suspects... et autres personnages secondaires (ou pas). Hormis quelques personnages principaux, je ne savais plus qui était qui, qui était où... Mais, peut-être l'ai-je lui trop rapidement ?

J'ai aussi été déçue par la fin, un peu trop rapide et brouillonne. du moins, là encore, il me semble que les choses ne sont pas dites très clairement (notamment ce qui a trait aux substitutions de personnes) et donc, on reste un peu dans une certaine nébuleuse. Et puis, on découvre que ce que l'on pensait être la fin n'en n'est pas une... puisque manifestement une suite est prévue.

La lecture de ce roman m'a fait penser au film américain SEVEN de David Fincher (thriller psychologique sorti en 1995). Un mystérieux meurtrier tue des personnes considérant qu'elles sont des pécheresses au regard des sept péchés capitaux de la Bible (Thomas d'Aquin) : l'orgueil, l'avarice, la luxure, l'envie, la gourmandise, la colère, la paresse. Et il les tue en concordance avec le thème de leur péché. Comme ici !

D'ailleurs, je ne serais pas étonnée que ce livre soit un jour adapté au cinéma ou à la télévision, tant l'écriture est cinématographique.

Bref, un livre à lire pour qui aime les thrillers psychologiques, bien sanglants et haletants, car on n'est clairement pas trompé sur la marchandise !









Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}