Nuit d'orage à Hauterives

Elle se rend indispensable. Quand les chemins se séparent, elle les recoud de force. Quand elle n'en a plus besoin, elle les tranche à grands coups de ciseaux. Elle choisit quand elle a besoin des gens, quand elle s'en fiche, quand elle revient, quand elle part. Et le reste du monde n'est plus bon qu'à graviter autour d'elle en silence.

Son anxiété et son optimisme sont comme deux funambules qui se poussent des coudes sur une ficelle. Elle ne veut plus savoir lequel des deux tombera en premier.

Quelque part dans la maison, la fête bat son plein comme si le monde ne venait pas de dévier de son axe. Une autre coupe de champagne. Une ronde de valse en plus. Les invités dévorent les secondes & s’abreuvent des heures, car rien ne pourra plus jamais leur arriver - la guerre est derrière eux, après tout.

Éleonore ferme les yeux et laisse la brise qui file dans la décapotable effleurer ses joues. Elle pourrait dévorer les heures violettes de l'aube, quand le monde n'ose pas faire de bruit et que le soleil semble lui chuchoter qu'il ne se lève que pour elle.

Les étoiles sont invisibles ce soir, mais les yeux d’Eleonore brillent sans elles

Ils tournent le dos au monde depuis leur piedestale. On n’a pas besoin de regarder en bas quand on a pas peur de tomber.

Tant que leur pyramide de coupes de champagne est la plus haute, personne ne pourrait croire que les liens qui les unissent se ternissent comme une photographie exposée au soleil.
Les Bellamy sont des marionnettistes, et ils ne sont rien sans leur audience.