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Critique de Garoupe


La loi du talent

Pascale. Leïla. Vanessa. Trois parcours dramatiques qui se sont achevés en prison. L'une, victime enfant d'inceste, a assassiné ses bébés ; une autre a tué son mari pervers narcissique (accessoirement aussi son patron) ; la dernière, après avoir subi l'atroce violence des tournantes, est devenue mère maquerelle pour s'en sortir.

Elles ont bien entendu chacune leur part de responsabilité dans leur situation, Cathy Galliègue ne revient pas là-dessus. Et ses personnages (inspirés de femmes bien réelles) n'en disconviennent d'ailleurs nullement. L'une d'entre elle dit d'ailleurs très justement qu'elles sont « enfermées dans ce que nous avons fait de mal ». Ainsi, ces trois femmes possèdent une part de monstruosité dans leurs personnalités respectives. Cathy Galliègue les sort de leur rôle de coupable pour montrer la part gigantesque de victime qu'elles ont en elle. Elle donne une âme à des monstres, à ce que la société considère comme des monstres.

Ces trois femmes, par l'entremise de Leïla qui travaille à la bibliothèque de la prison, se retrouvent unies dans une sorte d'aventure littéraire qui n'est pas là pour qu'elles s'expliquent sur leurs actes ou qu'elles tentent de s'en justifier mais plutôt pour exprimer qui elles sont, au-delà de ce que la société veut qu'elles soient. L'enjeu réside dans cette subtile différence entre assimiler quelqu'un à une chose ou à un individu…

A travers la littérature, Cathy Galliègue démontre ce que représente le pouvoir des mots. Ceux-ci possèdent une charge colossale : libérateurs, cathartiques, ils sont le salut de ces femmes incarcérées.

Au-delà de ces considérations purement littéraire, Cathy Galliègue sait indéniablement raconter des histoires, qui plus est des histoires de femmes, qui plus est des histoires de femmes incarcérées, qui plus est des histoires de femmes incarcérées et fissurées… le récit de Cathy Galliègue se veut clairement émouvant dans le sens où il fait appel à nos émotions face aux situations décrites et aux récits de vie livrés par Leïla, Vanessa et Pascale. Pour autant, il ne tombe jamais dans la facilité ou le lénifiant. Il est foncièrement empreint d'humanité, celle-là même dont la société est prompte à faire l'économie pour rester sur les faits sur le jugement, laissant de côté la compréhension, la compassion.

Avec sensibilité mais sans pathos, avec honnêteté (sans laquelle le récit de Cathy Galliègue n'aurait aucune valeur) mais sans surenchère, avec compassion mais sans pitié, le récit offre à ces femmes un éclairage qui n'a rien de simpliste. le lecteur se fera sa propre opinion sur ces personnes, il les aimera, les détestera, les comprendra ou les rejettera. Leurs personnalités poreuses amènent naturellement à cette ambiguïté : elles-mêmes, au moment de leurs rencontres, peuvent se détester entre elles avant de voir l'être humain derrière la femme condamnée.

« Contre nature » fait autant référence à la monstruosité de façade des protagonistes qu'à ce à quoi elles se consacrent au sein de l'institution pénitencière : se livrer en allant contre leur nature intime, contre cette discrétion qu'impose le monde carcéral qui cloisonne les personnes au sens propre comme au sens figuré.

Cathy Galliègue possède la sensibilité nécessaire pour équilibrer son récit entre émotions, faits et confessions. Et elle le fait avec une belle écriture : quand la loi du talent surpasse la loi du talion.

Lien : https://garoupe.wordpress.co..
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