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Critique de Dandine


Je suis les traces de Carlos Lombardi (et de Pecosa). Une demie annee apres sa derniere enquete pour la BIC, la Brigada de Investigacion Criminal, alors qu'il attend, comme de tres nombreux autres, une loi d'amnistie qu'on dit imminente mais qui traine dans des bureaux de juristes a la solde, il est de nouveau sollicité par cet organisme. Et cette fois on l'envoie loin de Madrid, dans un petit bled de la Castille profonde, ou le fils d'un ponte du lieu a disparu.

Lombardi a l'air un peu perdu dans ces contrees, mais il n'en a que l'air. Mal recu par ceux qui avaient demande l'aide de Madrid, il arrive quand meme a gagner l'estime, et l'aide, du sous-officier de la “Benemerita” (la garde civile) sur place. Et un vieux docteur cultive - il en faut bien un dans toute province - l'eclairera sur les moeurs et les mentalites locales, ses histoires et son who's who.

Tres vite, la disparition en question s'avere etre un meurtre nauseabond, avec amputation a la cle, suivi d'autres, portant la meme signature, la meme ablation. Il va sans dire que Lombardi va trouver le meurtrier, mais en plus, comme il a un nez tres social, il va enqueter sur la facon dont les caciques du coin se sont appropries de bonnes terres alentour. Il decouvrira d'autres vieux crimes, dont un, cache, deguise lui aussi en disparition.

Quand tout sera resolu le chef de la brigade criminelle felicitera Lombardi: “Vous savez ce qui me plait en vous, Lombardi? Que vous chassez toujours avec un fusil a deux coups”. Il me faudra lire les futures aventures de Lombardi pour etre sur que c'est la marque de fabrique de l'auteur: deux enquetes qui s'entrelacent, l'une purement criminelle, l'autre plutot du domaine social-politique. Cela permet a Guillermo Galvan de se plonger dans l'histoire caviardisee de cette Espagne de l'immediat apres-guerre civile. Il avait deja decrit le climat deletere de Madrid fin 1941, ici il s'enfonce dans l'Espagne profonde, campagnarde. Ses caciques, dont certains doivent l'agrandissement de leur fortune a la guerre et ses epurations, qui sont devenus des seigneurs moyennageux. Les rancoeurs accumulées, les haines tues, enfouies dans la peur, suite a l'explosion de violence et aux tueries organisees dans toutes les villes et les villages qui avaient ete tenus par les franquistes (que notre enqueteur continue de designer en son for intérieur par seditieux). Les fosses communes, que tout le monde connait, dans des collines ou personne n'ose s'aventurer. Et pour cause. L'auteur montre comment, en 1942, les vainqueurs, loin d'essayer de fermer les plaies, s'acharnent contre les vaincus, et c'est a la campagne que se dechaine le plus la fureur repressive, venimeuse, envers ceux soupconnes d'avoir embrasse la cause republicaine, justement parce que tout le monde se connait en ces lieux. Un des caciques s'en vantera devant Lombardi: “Nous avons fait une croisade de liberation pour qu'il n'y ait plus jamais de rouges ni de juifs embusques. Ni rats ni poux. Contre les juifs, les marxistes et les faux catholiques il n'y a qu'une solution: la mort”.

Sans trop alourdir la trame l'auteur insere dans cette relation du climat social des allusions historiques specifiques: l'antipathie latente entre les phalangistes et les suiveurs des juntes agraires, les JONS, malgre leur alliance; comment grace a un archeologue germanisant les allemands pillent le patrimoine espagnol; comment sont recues les nouvelles des differents fronts de la guerre mondiale; etc. Cela aussi parait une constante dans cette serie policiere.

Dois-je dire que j'ai aime? C'est clair. Guillermo Galvan excelle a decrire l'ete de 1942 dans les campagnes espagnoles. Faim. Inculture. Fanatisme. Esprit de vengeance. Abus de pouvoir. Une grande ardoise de comptes a regler qu'il denonce, le tout cousu autour d'une intrigue policiere qui m'a deregle la tension. Tout comme le premier opus, Tiempo de siega, celui-ci est un tres bel echantillon de totalitarisme noir. Bien que les editeurs aient l'air de penser qu'il ne peut interesser que les espagnols.
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