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Critique de horline


Si Santiago Gamboa s'éloigne de la Colombie dans Prières nocturnes c'est pour mieux la raconter. Raconter le nationalisme, la guerre contre les FARC, la corruption, les exactions policières, les ripoux, les mafias, la prostitution, la drogue… raconter les maux qui gangrènent le pays depuis Bangkok ville chaotique où est incarcéré Manuel Manrique.
Il n'y a rien de mieux pour s'immerger dans la vie d'un pays, surtout si celle-ci est sombre et désenchantée, que de se plonger dans un roman qui déroule l'histoire à l'échelle d'un individu.
Manuel Manrique est le centre de ce monde désaccordé où les étudiants, les journalistes les syndicalistes contestataires disparaissent mystérieusement, où les parents soutiennent la politique populiste qui tue leurs enfants, où les pauvres admirent l'arrivisme et l'opportunisme des nouveaux riches. Un pays frelaté qui ne donne aucune perspective à la jeunesse si ce n'est l'envie de se barrer au plus vite. Etudiant doux et rêveur, incompris de ses parents, Manuel se fraye un chemin solitaire pour échapper à la médiocrité qui l'entoure, porté par l'amour fraternel et la complicité de Juana sa soeur aînée.


Rien donc ne prédisposait ce jeune homme effacé issu de famille modeste à être incarcéré à la prison de Bangkwang en Thaïlande pour trafic de drogue. Rien jusqu'à la découverte de cet amour immense et inconditionnel voire irrationnel pour cette soeur énigmatique qui fait figure de fantôme dans la première partie du roman. Etudiante disparue, en fuite en prise avec les démons de la Colombie, elle va se révéler magnétique et entraîner tous les personnages partis à sa recherche dans son sillage.
Santiago Gamboa façonne lentement ses personnages, tâtonne longuement pour dessiner leur périple et laisser au lecteur la possibilité d'appréhender tous les replis de l'histoire. Il faut alors du temps pour découvrir un récit riche d'intrigues secondaires, de narrateurs successifs, un roman protéiforme qui ondule entre classicisme et une forme de psychédélisme, entre enquête policière et roman passionnel, héros tragédiens et personnages désenchantés. Toutes ces variations sont surprenantes au point que l'on vient à s'interroger sur le thème même du roman. Même Manuel se fait complice de l'auteur en affirmant que « ce ne sera pas un roman noir, vous allez être étonné. Ce sera un roman d'amour. »
Roman étourdissant, il faut donc du temps pour découvrir Juana en véritable héroïne, elle revêt mille visages au cours du récit, découvre mille cicatrices qui sont autant de blessures qui marquent la Colombie… comme si l'auteur était lui-même tombé sous le charme de cette femme qui jusqu'à la dernière page conserve une part insaisissable.

Ca aurait pu être un roman douloureux et engagé mais l'auteur colombien en a fait un récit d'aventure excentrique et distrayant. Peut être parce que les prières de Manuel et de Juana n'ont rien de religieux …
Roman rocambolesque, mais ça fait partie de son charme.
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