Il faisait tiède et humide en cette soirée déterminante pour moi, pourtant rien n'arrêtait mon bras pour lever ce verre que je remplissais avant qu'il ne soit vide. Le seul réconfort que je m'étais alloué était de jeter mon regard par la fenêtre ouverte et fondre mon esprit parmi tous ces sons en apparence anodins et innocents mais lourdement chargés de violence en cette ville grouillante, électrisée, comme poussée à bout par l'atmosphère étouffante de cette fin de journée d'été.
À ce moment, je m’imaginais étrangler son cou de ballerine mais
ce fantasme fut immédiatement contrecarré par le côté inepte de la
situation : Lucie n’aiguisait aucunement le vice chez moi. Il est
possible que face à ce genre de personne, avec qui la concupiscence
n’a pas lieu d’être, on éprouve un sentiment de réelle amitié.
– Pourtant on apprend beaucoup avec la littérature, on y revient, on
apprend les passions, les remords, la violence et la fragilité des autres.
Ça nous permet de juguler… De maîtriser nos démons parce qu’on les
connaît un peu mieux. On est tous différents et si semblables à la fois.
– Je vous comprends, vous avez raison sans doute. Je pense avoir perdu
une part de ma sensibilité car j’arrive difficilement maintenant à
prendre parti ou m’identifier à un quelconque personnage.
J'étais devenu un ours, a part Lucie et Nono, tous deux alcooliques, je n'avais pas d'autres amitiés, ma nouvelle chasse m'apportait l'excitation d'un premier rendez-vous.