AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de gerardmuller


Mémoire de mes putains tristes
Gabriel Garcia Marquez (1927-2014)
Prix Nobel 1982
Un homme, le narrateur, le jour de ses quatre vingt ans, décide de s'offrir une folle nuit d'amour avec une adolescente vierge endormie. Pour ce faire, il s'adresse à Rosa Cabarcas, une vieille connaissance patronne d'une maison close dont il fut client jadis.
Qui est notre homme ? D'abord, il se trouve laid, timide et anachronique, mais à force de ne pas vouloir le reconnaître, il a fini avec habileté par simuler tout le contraire. Au bord d'un parc arboré il habite une maison coloniale où il a passé tous les jours de sa vie sans femme ni fortune ; c'était la maison de ses parents, et il a l'intention de mourir là dans le lit où il est né. Il fut l'enfant docile d'une mère aux multiples dons et d'un père formaliste que nul n'avait jamais vu commettre une erreur. Il reconnaît que son âge sexuel ne l'a jamais inquiété car sa vigueur dépendait moins de lui que des femmes. Il n'a jamais couché avec une femme sans la payer, même son employée de maison, la fidèle Damiana dont pourtant la jupe au lavoir se relevait pour découvrir la succulence de courbes irrésistibles. Il entame alors le récit des misères de sa vie dissolue d'où le titre.
Et puis le temps passant, il vivait depuis des années dans une sainte paix avec son corps, se consacrant à la lecture et à la musique, ainsi qu'à l'écriture de son billet hebdomadaire pour le journal local, lui l'ancien bon élève ayant obtenu une mention très bien au baccalauréat puis devenu professeur de latin et d'espagnol.
Or donc le grand jour anniversaire de ses 90 ans est arrivé et notre ami tout excité ne trouve le calme qu'à l'écoute des suites pour violoncelle de Bach interprétées par Pablo Casals, ce que la musique classique a de plus savant. L'heure du rendez-vous chez Rosa approche…Pourrait-il pour la première fois de sa vie tomber amoureux, être en proie aux tourments de l'amour et découvrir sa vraie nature, son être véritable qu'il s'est efforcé toute sa vie durant de dissimuler ? Obnubilé rapidement par l'évocation inclémente de la belle endormie, que peut devenir sa vie ? Que vaut la phrase écrite par César dans les Ides de Mars : « Il est impossible de ne pas finir par être tel que les autres vous voient » ?
On retrouve un peu dans ce très beau roman de 150 pages plein de tendresse et de pureté, au style poétique délicat et pudique le thème des « Belles endormies « de Yasunari Kawabata, un roman mythique et incomparable. D'ailleurs, l'auteur a cité le grand auteur japonais en exergue de son livre.
Extrait :
« le soir de son anniversaire, j'ai chanté à Delgadina la chanson tout entière et j'ai couvert son corps de baisers jusqu'à ne plus avoir de souffle : chaque vertèbre, une à une, jusqu'aux fesses langoureuses, la hanche avec le grain de beauté…Plus je l'embrassais plus son corps devenait chaud et exhalait une fragrance sauvage. Chaque millimètre de sa peau me répondait par de nouvelles vibrations et m'offrait une chaleur singulière, une saveur distincte, un soupir inconnu, tandis que de tout mon être montait un arpège et que ses tétons s'ouvraient comme des fleurs sans même que je les touche…C'était enfin la vraie vie, mon coeur était sauf et j'étais condamné à mourir d'amour au terme d'une agonie de plaisir un jour quelconque après ma centième année. »
Quel style !

Commenter  J’apprécie          13



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}