AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Levant


Levant
13 décembre 2018
Le Larousse définit le terme de "civilisation" comme l'ensemble des acquis d'une société qui la fait s'éloigner de l'état sauvage, et devenir un modèle pour l'avenir. Lorsque Romain Gary publie Tulipe, en 1946, il sort tout juste de la seconde guerre mondiale à laquelle il a participé dans les rangs des combattants de la France libre. Il émerge de l'inimaginable de la part d'une société civilisée. Les horreurs de la guerre l'ont touché au plus profond de lui-même.

Il produit alors cet ouvrage débridé par lequel il exprime sa répugnance à l'égard de la barbarie dont il a pu être le témoin. Telle barbarie ne peut être le fruit d'une grande civilisation. Romain Gary emploiera son énergie à la dénoncer tout au long de sa carrière d'écrivain. A bout d'argument dans la colère et l'indignation, il choisira souvent de traiter le sujet par la dérision. Prendre le contre-pied de ses sentiments les plus immédiats lui semble évident pour exprimer son mépris contre tout ce qui dégrade la grandeur de l'Homme.

Tulipe, le "Blanc Mahatma de Harlem", ainsi nommé par les quelques amis qui le soutiennent dans son combat pour dénoncer l'absurdité du monde, est un rescapé de Buchenwald. Il jette en désordre à la sagacité du lecteur tous les thèmes qui peupleront les ouvrages futurs de Romain Gary. Il y a urgence, au sortir de l'apocalypse, à réconcilier ceux qui viennent de s'entre déchirer, à dénoncer les dérives de l'être doué d'intelligence. Tout y passe : la haine de l'autre, la maltraitance animale, les crimes contre la nature et tant d'autres manifestations du comportement humain qui n'ont de cesse de rabaisser l'homme à l'état sauvage. Sauvage au sens de barbare, car les animaux sauvages ne sont pas barbares, même quand ils sont carnivores. Ils ne sont pas responsables de leur condition.

Tulipe est un ouvrage turbulent, déroutant. le propos en devient incohérent, le discours désorganisé. Mais il faut y décoder le cri de désespoir qu'il comporte, au point de sombrer dans une forme de folie douce. le lecteur qui découvrirait l'auteur aux deux prix Goncourt avec cet ouvrage pourrait fort bien discréditer à ses yeux la noble académie pour ses choix futurs avec pareille première impression. A celui-là, je dis de persister, d'avancer dans la grande oeuvre de Romain Gary. La dérision est chez lui une marque de fabrique, il faut y trouver le fond d'humanité qu'elle véhicule et qui habite Romain Gary jusqu'à l'obsession.
Commenter  J’apprécie          250



Ont apprécié cette critique (23)voir plus




{* *}