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Critique de afriqueah


Le premier roman de Romain Gary a pour lieu Wilno, en Pologne devenue depuis Lituanie. Son héros, Janek, doit se cacher avec l'aide de son père, dans la forêt, il reste seul, en attente du père qui ne revient pas (comme lui, l'auteur, qui n'a pas connu son père) il a froid, il est seul, il a peur, la guerre gronde, finalement il fait la connaissance des « partisans ».
La guerre, c'est Stalingrad, avec l'affrontement entre les nazis- qui occupent la Pologne -et les Russes.
Si les partisans attendent l'issue de Stalingrad et la fin de Hitler, Janek, un peu perdu, ne peut que se raccrocher à l'idée que son père est ce héros dont on parle tant sans l'avoir jamais vu. Et il découvre la musique, reste des heures à écouter une jeune femme de Wilno jouer Chopin, il en pleure d'émotion, et reviendra souvent voir la pianiste…les partisans aussi écouteront la polonaise de Chopin :
« Pendant plus d'une heure, les partisans, dont certains avaient marché plus de dix kilomètres pour venir, écoutèrent la voix, ce qu'il y a de meilleur dans l'homme, -comme pour se rassurer – pendant plus d'une heure, des hommes fatigués, blessés, affamés, traqués, célébrèrent ainsi leur foi, confiants dans une dignité qu'aucune laideur, aucun crime, ne pouvaient entamer. »
Janek retrouve ensuite la musique, Mozart, jouée par un Allemand, cependant les enjeux sont trop forts pour que la paix intervienne : ni l'un ni l'autre ne cédera de terrain, ils sont ennemis, point.
L'humanité a produit la civilisation, Dobranski son ami l'avait écrit dans son livre : « Éducation européenne », où il doute parfaitement que les idées de liberté, dignité humaine, fraternité, les plus belles idées de notre civilisation, puissent faire oublier « les pelotons d'exécution, l'esclavage, la torture, le viol, la destruction de ce qui rend la vie belle. »
L'heure des ténèbres est arrivée, dit Dobranski, avec l'impossibilité d'imaginer apprendre aux ennemis la bonté, eux qui ne connaissent que la haine. « La haine, comme l'amour, ne se désapprend pas. » C'est que l'on parle d'Éducation européenne au moment des crises, lorsqu'ils fusillent votre père, ou quand tu tues toi aussi, ou quand tu crèves de faim, mais en fait les guerres se font en se basant sur des contes et l'on tue quelqu'un qui ne vous a rien fait.
Et pourtant il y a la musique du petit juif souffre-douleur d'une bande d'abrutis, qui, en jouant sur son violon, fait sortir le monde du chaos, fait oublier « la faim, le mépris et la laideur. » Janek pense alors à la mort, qui pourrait mettre fin- il suffirait d'une balle allemande- à cette joie éperdue d'entrevoir un autre monde, sans l'occulter : les grandes souffrances existent, persistent et continuent avec leurs larmes de sang, la cruauté de la nature et des hommes. Mais la musique, infiniment triste, incite à la révolte et aux rêves inassouvis.
Janek, une fois la guerre terminée, étudiera à Université de musique de Varsovie.

Gary ne peut s'empêcher de railler le pro-nazi qui clame, pour s'infiltrer, que les naïfs bourgeois de Paris croiront qu'il a vraiment fait punir un officier allemand. Qu'il cache de temps en temps un étudiant coupable d'avoir distribué des tracts.
Dans son immeuble, tout le monde craint ce Monsieur Karl, en particulier Monsieur Chevalier, un émule de toujours, à la botte, avec une petite moustache «je vous rappelle quelqu'un ? ».
Ce dernier, avec la complicité de l'immeuble, fait éditer des tracts « Libération ».
Et toc !
Allez, un petit verre de Volga !
Volga pour oublier que Romain Gary a retouché son texte et l'a (je le subodore) truffé de dialogues en polonais, alors que le corps du texte court avec lyrisme, avec poésie musicale et avec questions sur le pourquoi des guerres, sur l'inhumanité côtoyant les grandes idées, sur l'impossibilité parfois de dépasser les étiquettes mises sur les « ennemis », sur la persistance du mal malgré le rêve qu'il soit éduqué, et, enfin sur la certitude : rien d'important ne meurt jamais.







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