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Critiques filtrées sur 4 étoiles  

L'auteure, Martine Gasnier, est une historienne d'un genre bien spécifique : l'histoire du droit. Une spécialité dans laquelle elle a obtenu un doctorat d'université. Elle dispose donc d'un avantage incontestable pour approfondir un vieux dossier juridique. Un autre solide atout réside dans le fait que l'auteure et son héroïne sont originaires de la même région, l'impénétrable Normandie. Martine Gasnier est née à Chambois, Julie Clain a vécu à Bazoche- sur-Hoëme, à 36 kilomètres d'Alençon ; deux endroits dans le département de l'Orne.

Ces 2 qualités compensent largement le fait que le roman de Julie Clain, fût, en 2018, son premier ouvrage. Son second "Itinéraire d'un révolté" vient par ailleurs de sortir chez les Éditions Zinédi le mois dernier (19-9-2019).

Sûrement que Henri Leclerc a dû se faire des considérations similaires, car c'est lui, ce grand avocat pénaliste et ancien président de la Ligue française des droits de l'homme (1995-2000), qui a fait l'honneur à l'auteure d'assurer la préface de son ouvrage. Il a écrit lui-même un ouvrage remarquable "La parole et l'action : Mémoires d'un avocat militant", paru il y a 2 ans.

Julie Clain, née en 1833, avait 26 ans en 1859, et était paysanne et "elle appartenait donc à une engeance capable de tout", y compris l'infanticide. C'est ainsi que les gens de bien, comme le juge d'instruction Louis Quesmot, considéraient ce crime, comme "le fait d'une sous-humanité dont la sensibilité n'égalait pas celle des primates".
Que la dénonciatrice, Euphrasie Lavigne, ayant le même âge que Julie, soit l'idiote du village de Bazoche n'y changeait strictement rien. le brave homme n'avait-il pas toujours eu à l'égard du crime d'infanticide "une répugnance qui le privait d'objectivité" ?

Martine Gasnier analyse d'un oeil vif et sans pitié la mentalité primitive et également sans pitié qui ont conduit une simple fermière en taule. Un univers caractérisé par l'intolérance, l'arbitraire et une misogynie guère imaginable. L'infanticide, comme l'avortement, "relevait de la monstruosité féminine". Il est vrai qu'à Bazoche-sur-Hoëme il ne se passe pas grand-chose et les soirs sont longs, surtout en hiver. Au Café du Nord, tout comme dans les arrières-cuisines des exploitations agricoles, les langues vipérines se donnaient à coeur joie contre ces filles devenues criminelles pour échapper à l'opprobre jeté sur les filles-mères.

À part sa mère Françoise, une femme fort respectée pour sa façon exemplaire, comme veuve, de gérer seule sa ferme "La Motte", avec qui Julie bénéficiait d'un pacte solide face à l'hostilité du bourg et où le journaliste local, Clément Forestier, était un des très rares à aller à l'encontre des rumeurs destructrices.

Même l'honorable abbé Létard, curé paroissial presque caricatural, y mettait du sien en essayant de lui faire avouer le péché de la chair, qui aurait conduit notre Julie fatalement à l'autre abomination.

Mais qui était Julie Clain et qu'avait elle bien pu faire pour être punie de la sorte ?

Julie était avant tout une jeune femme qui trimait et bossait dur du matin à l'aube jusqu'au coucher du soleil dans la ferme. Ses rares moments de loisirs étaient consacrés à la lecture de romans populaires. C'est grâce au colporteur Julien qu'elle obtenait sa littérature, ce qui en faisait pour elle "une sorte de magicien qui l'arrachait à sa réalité paysanne". Et comme Julie n'était pas mal de sa personne, il y eut une "love story" de campagne normande. Mais comme elle n'était pas non plus une beauté irrésistible du genre Silvana Mangano dans le film néoréaliste italien "Riz amer" (de 1950) et que Julien était plutôt volage, Julie souffrait bientôt la désillusion sentimentale de sa vie.

Pour augmenter son inconfort, il était question qu'elle épouse l'horrible Edmond Blais, 35 et "un remède contre l'amour" comme on dit chez nous. L' Edmond était riche, mais pour le reste moche, bossu, chauve, aux "yeux porcins et lèvres quasi inexistantes". En plus, son esprit manquait de clarté et "lorsqu'il s'exprimait, un galimatias sortait de sa bouche, empiré par un bégaiement... "

D'abord "à voix basse et au conditionnel" les charmants villageois s'interrogèrent pourquoi il n'y eut pas de mariage (et de grosse fête, naturellement) et commencèrent à répandre des hypothèses. C'est ainsi que finalement le bruit circulait que, le 31 août 1860, Julie avait commis un infanticide.

Pour Julie Clain, qui n'avait péché que par amour, suivait le cycle infernal des perquisitions, interrogations, accusations, arrestation, prison et procès. Je n'en dirai pas plus pour ne pas gâcher votre plaisir de lecture, sauf que notre jeune victime avait un excellent avocat pour sa défense dans la personne de Maître Léon de la Sicotière (1812-1895).

Récemment cependant, une étude glaçante par l'IGAS - l'Inspection générale des affaires sociales - a révélé "qu'en France, un enfant est tué par l'un de ses parents tous les cinq jours en moyenne. Et les chiffres ne diminuent pas au fil des années". Source : France Inter du 26 avril dernier.

Malheureusement, le sujet de cet ouvrage reste donc d'actualité et j'estime que Martine Gasnier a réalisé du bon travail en approfondissant une cause célèbre avec verve et conviction.

Pour finir, je tiens à remercier explicitement Madame Fabienne Germain des Éditions Zinédi pour sa grande expertise et générosité.
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Dans son premier roman, Martine Gasnier revient sur un fait divers datant de 1860 dans lequel Julie Clain est accusée d'infanticide. Elle aurait dissimulé sa grossesse et tué son bébé. Un seul rapport d'expertise d'un médecin local et quelques témoignages l'ont conduit devant une cour d'assises. Ce qui fait froid dans le dos à la lecture de ce livre, c'est de voir qu'une rumeur qui prend peu à peu de l'ampleur arrive à conduire une personne devant la justice. Il y a de quoi s'interroger sur celle-ci. Roman émouvant et captivant.
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