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Critique de Franka13


Cet été je suis partie en vacances avec Fabrizio Gatti, alias Bilal, sur la route des clandestins.
C'étaient des vacances bizarres, je l'avoue….
J'ai voyagé à pied, à travers la savane et les dunes de sable, sans eau et sans nourriture, sans un franc en poche, je me suis perdue des jours entiers dans les ruelles d'Agadez à la recherche d'un endroit où dormir, j'ai rencontré des militaires, des politiciens corrompus et sanguinaires adulés par les médias pour leurs qualités humanitaires, des mafieux et des passeurs qui rançonnaient chacun son tour, des cheiks en 4x4 blindés et climatisés venus chasser le guépard et la gazelle, des pauvres types prêts à voler leur voisin de paillasse pouilleuse pour un dé à coudre d'eau, des filles de 13 ans dans des maisons de passe qui économisaient pour payer leur passage à bord de rafiots pourris, des mères maquerelles et des policiers complaisants et complices du Système.
Mais j'ai croisé aussi des super héros, étudiants, ouvriers, ingénieurs, à la recherche d'un Eldorado, assez courageux pour braver des dangers inimaginables afin de se construire un avenir et aider leur famille à sortir de la misère. L'espoir est un puissant moteur !
Qui a dit que le désert était désert ?
J'ai traversé l'Afrique sur des routes défoncées et le désert lybien sur des camions de fortune bons pour la casse, où cohabitait jour et nuit jusqu'à 150 personnes, femmes, enfants, vieillards qui s'étaient dépouillés, sans assurance tous risques, pour ce voyage sans étoiles.
J'ai connu les pannes en pleine nuit, le froid et la faim, l'abandon de ces compagnons d'infortune dont on retrouvait quelquefois le squelette au hasard des pérégrinations. Qui ne tente rien n'a rien.
Je n'ai pu malheureusement traverser la Méditerranée sur un canot pneumatique ce qui m'a épargné la noyade ; j'ai eu de la chance car aujourd'hui beaucoup de mes copains croisiéristes dorment au fond de l'eau.
Pour témoigner en connaissance de cause, j'ai finalement atterri de mon plein gré et sous une fausse identité dans la « cage », autrement dit le centre de rétention de Lampedusa pour y partager le quotidien des touristes de passage. Je ne vous cache pas que, question hygiène, les sanitaires laissent à désirer, les rats sont plutôt voraces, les carabinieri plutôt mal embouchés et les distractions plutôt rares pour ne pas dire inexistantes, entre la limite des grillages et les rigoles de merde qui délimitent les espaces de vie où nous restions accroupis (à croupir) des heures entières en attendant le comptage et la pitance, à moins qu'on ne nous renvoie au point de départ, par avion pour aller plus vite et aux frais des contribuables, ce dont je m'excuse humblement.
Rien à voir avec le Club Med' donc…
Je n'ai pas pris de photos car ce que mes yeux ont vu, c'est l'horreur de ce monde qui crève d'indifférence et d'inhumanité, qui se voile pieusement et consciencieusement la face devant la détresse de ces malheureux qui fuient la guerre, la faim, l'intégrisme religieux, la censure…
Non ce ne sont pas les vacances dont je rêvais en ces temps de pandémie.
Mais je me suis rendue compte que mes petits soucis étriqués d'occidentale bien nourrie ne pesaient rien à l'aune de ce malheur planétaire.
Il suffit d'un cri et du courage d'un homme pour remettre les pendules à l'heure des terribles réalités qu'on occulte au profit de nos petits débats stériles et nombrilistes.
Cet homme, ce journaliste téméraire et engagé, c'est Fabrizio Gatti, un homme, un vrai.
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