La vie l'emportera

Allongé dans le noir, Trésor tend l'oreille sans faire un mouvement. Il guette les bruits de la maison et des alentours. Lorsque le souffle de gentil se fait enfin régulier, il se glisse dehors. La lune est énorme et de la même couleur qu'une orange et le petit garçon peut courir sans peur sur le chemin, les sandales à la main. Ses pieds nus ne font aucun bruit quand il arrive sur la place, désertée par les silhouettes sinueuses des vieux enturbannés de blanc. En prévision du voyage du lendemain, la porte est restée ouverte et l'enfant grimpe les hautes marches. Impressionné par sa propre audace, il s'assied derrière le volant en retenant son souffle. Ses pieds ne touchent pas les pédales…

John sait qu'il aurait dû forcer l'ambassadeur à agir mais il n'y croit plus. Il réalise avec effroi qu'il ne va pas retrouver sa femme de sitôt. Les larmes lui montent aux yeux. Ils ont été si heureux dans ce pays, si pleins d'illusions. John avait adoré les étoiles dans les yeux de Lucie quand ils avaient atterri ici, en pleine nuit, il y a une quinzaine de jours. L'odeur les avait pris de plein fouet. Ils s'étaient regardés sans rien dire avec une joie immense dans la peau. Tout avait disparu, leurs derniers mois conflictuels, leurs tensions. Il y avait juste l’Éthiopie et leur amour infini pour ce pays. Et là, quinze jours à peine plus tard, tout n'est plus que vertige.