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Critique de LeScribouillard


"Les Paravents" furent une pièce historique dans le théâtre français, faisant exploser l'avant-garde au point qu'on parla parfois de seconde bataille d'Hernani. Jean Genet, déterminé à "combattre la morale blanche" en usant de tous les ressorts les plus choquants, pour l'époque mais parfois encore maintenant, faisait paraître là une pièce qui en plus de faire reparaître ses différentes convictions (anticatholiques, homosexuelles, ou encore l'idée que la guerre n'est qu'une vaste partouze), criait son amour pour l'Algérie en pleine guerre (et ce sous l'oeil furibard de JMLP), et explosait toutes les règles du théâtre traditionnel, multipliant les didascalies à l'extrême tout en y glissant des remarques subjectives, faisant suggérer les différents décors par des paravents sur lesquels les acteurs ajoutaient des motifs tout au long de la pièce, et incluant un nombre de personnages à en faire pâlir Musset.
Tout ça pour en arriver à ça. À trop vouloir choquer le bourgeois, on finit par accoucher, comme dirait Nanarland, d'oeuvres tellement en avance sur leur temps que celui-ci n'a pas forcément envie de les rattraper. L'histoire est décousue, parce que fuck la structure en 5 actes et la narration traditionnelle, les personnages hurlent qu'ils se détestent les uns les autres parce que c'est une métaphore de la vie, tout est verbeux à l'extrême et ponctué d'un style tellement lyrique qu'il se teinte d'un amphigourisme boursouflé. Les dialogues oscillent sans cesse entre le "Branle-moi la nouille qu'elle effectue des moulinets gracieux" et "Admire comme le soleil couchant s'avère beau et majestueux, petit enfoiré". Tout est contre-intuitif, alliant sans cesse grotesque et élégiaque, mais de manière si peu subtile qu'on se demande si 50 pages n'auraient pas suffi plutôt que DEUX CENTS SOIXANTE-QUINZE de cette soupe-là.
C'est malheureux à dire, mais j'ai beau être ouvert au théâtre moderne et ce qu'il propose, aimer ce genre de propositions déconstruisant l'espace et transgressant les règles bien accommodées de la comédie et de la tragédie pour donner des pièces plus vivantes, plus vraies, là j'ai eu l'impression d'avoir affaire à un intellectualisme prout-prout comme aiment à l'appeler mes confrères. Parce que l'idée de base se contredit, justement : faire en même temps quelque chose de vivant qui parle au coeur, et en même temps quelque chose de complètement artificiel, dans les dialogues, dans la mise en scène, dans le jeu des acteurs, afin de provoquer l'auditoire. On en accouche d'une pièce pavée de bonnes intentions, mais un calvaire à lire, et très sûrement aussi un calvaire à monter et un calvaire à voir... Au point qu'après avoir vu cette pièce, on devait n'avoir qu'une envie, c'était de décoloniser l'Algérie, pour ne plus jamais en entendre parler.
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