La maladie bipolaire expliquée aux souffrants et aux proches

Dans les cas graves, le patient ne PEUT PLUS AGIR, même s’il sait qu’il faudrait, qu’il devrait, il ne peut plus car ce qui est cassé par cette maladie, c’est justement ce que l’on appelle la volonté ; c’est comme si le ressort que l’on a tous en nous était détruit. Si le patient en phase dépressive profonde et en état de sidération motrice est contraint d’agir, c’est au prix d’une douleur psychique insurmontable. Forcer un tel patient à agir peut l’amener à des réactions extrêmes. Les gens ont beaucoup de mal, pour ne pas dire sont incapables, d’intégrer cette notion. Ils finissent par reprocher au patient ce qui le mine au plus profond de son être : son incapacité à faire. 
(p. 23-24)

Le mot « sommeil » revient souvent dans ton discours, c'est semble-t-il un point de repère fondamental dans cette maladie ?

Plus que ça, c'est le mètre étalon. La durée, la qualité et la régularité du sommeil sont effectivement les premiers points à observer. Ce sont des critères à surveiller comme le lait sur le feu ! L'insomnie, réduction du besoin de sommeil : toute perturbation à ce niveau doit être considérée comme un signal, car elle peut annoncer la survenue d'une nouvelle crise. Mais, aussi, un sommeil perturbé par une période festive, par un décalage horaire important ou des contraintes professionnelles peut favoriser l'apparition d'une rechute. Comme tu le vois, un sommeil perturbé peut soit être un symptôme précurseur, soit un facteur déclencheur. Il y a d'autres facteurs déclencheurs, le stress, le surmenage, une situation traumatisante, un déménagement. Au total, toute situation mobilisante sur le plan émotionnel est susceptible de fragiliser le patient et d'induire une amorce de décompensation. Dès qu'apparaissent ces troubles du sommeil, il faut agir rapidement pour éviter la rechute.

(pp. 182-183)

Tant que l'on n'a pas vécu soi-même une perte de contrôle de son fonctionnement psychique, on vit dans l'illusion de toute-puissance à son égard, et l'on pense que son mari, sa petite amie ou son fils qui "se traîne" pourrait faire des efforts au moins pour sortir du lit, se laver, s'habiller .Eh bien sachez qu'attendre cela d 'un patient présentant une grave dépression bipolaire revient à attendre d'un homme paraplégique qu'il se lève de son fauteuil et se mette à marcher !