Voici l'histoire de cinq enfants nés au début du XXe siècle : Louis le Fils, Henri, Ambroise, Jeanne et Louise.
Les deux aînés mourront au combat pendant la Grande Guerre. Mélanie, l'épouse de Louis le Fils, ne survivra pas au décès de son bien-aimé. Leur fils, Jacques, un simple d'esprit, sera élevé par sa grand-mère à la ferme. L'orphelin sera par la suite tué par les Allemands pendant l'Occupation.
Ambroise, grâce à la générosité de ses parents, parviendra à réaliser son rêve – devenir conducteur de trains –. Il se laissera séduire par Mathilde, et l'épousera. En secret, il espère que le mariage le délivrera de son addiction aux plaisirs charnels. Hélas, son mal empirera aux côtés de cette fille de boutiquier au coeur de pierre, superficielle et méchante, et qui n'aspire qu'à mener grand train à ses dépens. Ambroise mourra seul à l'hôpital des suites de la syphilis.
Jeanne, courageuse, nourrit le désir ardent de se marier, mais le bon Dieu refuse d'exaucer sa prière. Ses parents décident alors d'arranger son mariage avec Jean, un garçon insipide terrorisé par son père. Comme le maquignon dont elle est tombée folle amoureuse ne l'a jamais regardée, elle épouse ce paysan, « lui ou un autre, cela n'a plus d'importance ». de leur union naît Marie-Louise, une enfant laide et gauche. Quand Jean meurt pendant la Seconde Guerre mondiale, Jeanne quitte son abominable belle-famille, confie sa fille à ses parents et part chercher du travail en ville. Au bout de quelques années, elle devient, par un heureux concours de circonstances, la seconde épouse de Monsieur Roux, un boulanger affable et travailleur, père d'une grande tribu. Elle lui donne un nouveau fils : Désiré, qu'elle élève avec Marie-Louise. À la fin, ses deux enfants, Désiré surtout, assureront la quiétude de ses vieux jours.
Quant à Louise, le personnage le plus fascinant du roman, elle connaît un destin digne d'une héroïne tragique. Comme son frère Ambroise, elle étudie puis travaille à Paris. À vingt ans, elle rencontre Victor : c'est le coup de foudre entre cette sage-femme et ce pompier. Après trois ans, l'idylle se fissure et les désillusions s'enchaînent : séparation douloureuse ; rencontre de Constantin, une gueule cassée névrosée ; avortement ; aventure sans lendemain avec Alexandre, le collègue et ami d'Ambroise ; liaison adultère avec Maxime, le bonimenteur malhabile ; et mariage de raison avec Just : un financier possessif qui la transforme en femme aigrie et coquette. Alors qu'elle aspire plus que jamais à recouvrer sa liberté, Louise quitte la capitale pour se rendre au chevet de sa mère mourante. Celle-ci lui demande de veiller sur son neveu Jacques. Pendant son séjour à la campagne, elle se donne corps et âme à un officier allemand. Quand elle comprend que Walter est sur le point de l'abandonner, elle le tue, afin qu'il ne puisse jamais plus connaître le bonheur dans les bras d'aucune autre femme. le soir de l'assassinat, alors qu'elle s'engage, revêtue du casque et du manteau de la victime, sur le chemin forestier de son enfance, en pleine nuit, pour jeter dans l'étang la moto du boche, elle est abattue d'une balle dans le coeur par un paysan fou et libidineux.
Chapitre après chapitre,
Isabelle Giagnoni nous raconte ainsi la vie de ces êtres, au gré des caprices de l'Histoire. Avec finesse, elle dépeint dans ce roman polyphonique leur quotidien, leurs désirs, mais aussi leurs déceptions et leurs épreuves. Elle scrute avec justesse l'immense palette des sentiments : amour filial, conjugal, paternel, adultère… jalousie, envie, orgueil, souffrance, culpabilité… À travers une écriture précise et concrète, elle met au jour un monde disparu peuplé de personnages familiers. En nous révélant avec talent ces destinées, presque toutes malheureuses, l'auteur nous offre un moment de lecture émouvant, empreint de tristesse et de mélancolie.
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