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Critique de Alzie


Alzie
23 décembre 2014
Un bel album de grand format pour l'intégrale des trois épisodes de l'aventure espagnole de Max Fridman ; quelques 170 pages réunissant : No pasaran (1), Rio de Sangre (2) et Sin ilusion (3). On connaît Max Fridman, négociant en tabacs pour ce qui est de la vitrine officielle, depuis Rhapsodie hongroise (1982) et la Porte d'Orient (1986). Mais celui qui partait alors, à Budapest, contraint et forcé par un chantage efficace de "la Mutuelle", reprend ici du service de son plein gré, pour tenter de retrouver la trace de son ami Guido Treves, idéaliste engagé dans la cause républicaine espagnole, totalement disparu des radars à l'automne 1938.

L'Europe est sur des braises. Au sud, la guerre civile espagnole continue à faire rage ; Franco riposte à l'offensive républicaine lancée sur l'Ebre fin juillet. Fridman (démobilisé pour cause de blessure) coule des jours apparemment paisibles près de Genève avec sa fille, quand survient Ada, la femme de Guido avec qui il était engagé en Espagne dans la douzième Brigade internationale. Elle fait part à Max de son inquiétude : pas de nouvelles depuis deux mois et une dernière lettre de son mari suggérant "quelque chose d'anormal". Max se laisse convaincre et part à sa recherche. le tome 1 s'ouvre sur le dernier haut fait de Treves : il a sauvé un officier de la fusillade.

Direction Barcelone où max n'est pas accueilli à bras ouverts par la Seguridad, noyautée par les communistes. Sa réputation d'espion est suspecte. La capitale catalane est le siège de toutes les manoeuvres et stratégies politiques et militaires locales et internationales, liées au contexte de la guerre civile. Communistes et phalangistes s'affrontent dans une guerre d'usure sans merci, par « Services interposés », où trahison, cynisme et ambitions règnent en maître. Ces luttes d'influences et de pouvoirs nourrissent le climat de suspicion générale où est en train de s'effriter la cause républicaine.

Pris en tenailles entre représentants politiques et responsables de l'Etat-major, Treves en aurait-il fait les frais ? Suspens garanti. No pasaran est une BD où le quasi documentaire sur la guerre permet d'aborder sans manichéisme le sujet de son inanité ou des conflits entre engagement politique et idéal individuel ; la peur est traitée ici, non comme une anecdote, mais comme un sujet à part entière ; « l'agent très spécial », lucide et mélancolique, dont le courage s'apprécie à l'aune des tremblements nerveux qui le secouent à chaque bombardement et dont la retenue auprès des femmes est exemplaire, a de quoi susciter l'intérêt des lecteurs.

Chausse-trappes et embuscades, allers/retours entre le front et Barcelone, ambiguïtés russes et embrouilles de Q.G. ; la guerre civile espagnole, et particulièrement l'épisode retenu de l'offensive sur l'Ebre, se prête admirablement au suspens politico-militaire du scénario de Giardino. Ligne claire et sobriété d'images contrastées où alternent l'ellipse et le nécessaire visuel, en parfait équilibre, pour illustrer la narration et rendre compte du contexte. Une lecture qui oblige à un retour sur époque.

No Pasaran est aussi une BD qui soumet le reportage de guerre et l'information à la question de l'éthique journalistique. Un hommage rendu à Capa, Dos Passos ou Koestler, à travers une équipe de reporters très chevronnés (Phil Lester et Mark Warren) accompagnant dans son apprentissage, une jeune journaliste belge débutante, Claire Blon, dont les idéaux ne peuvent qu'être mis à mal sur le « terrain ». Elle, le commandant Galgo, un russe engagé contre les fascistes ou l'irlandais Eddie Cork, permettront-ils à Max de remettre la main sur Guido, devenu major Treves ? En gabardine et chapeau mou, Fridman rejoint l'Espagne à un moment décisif, celui où le sort des républicains se joue. Une guerre dont les enjeux semblent bien préfigurer ceux d'une autre à venir, Hitler et Staline en embuscade. Récit palpitant qui s'achève en demi-teinte, une semaine après la « Nuit de cristal » (9 au 10 novembre 1938), sur une note un peu plus légère et dansée.
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