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Critique de Diabolau


Illusion-désillusion, c'est le dos d'âne qui attend Mattéo à chaque moment de sa vie. D'abord avec Juliette, puis avec la révolution à Pétrograd, maintenant avec la guerre d'Espagne. Stationnés de façon étrangement statique dans un village qu'ils ont conquis, les républicains commandés par Mattéo suivent les hauts, puis les bas de leur cause finalement d'assez loin.
Le héros aura le temps d'y développer une relation émouvante et inattendue avec le vieillard nationaliste et handicapé dont il a occupé la villa, beau symbole des paradoxes relationnels qui peuvent se nouer même dans une guerre fratricide comme la guerre civile espagnole.
Mais la défaite, inéluctable, est au bout du chemin, et après avoir suivi cela de loin, le groupe de Mattéo voit les franquistes se rapprocher dangereusement, avant de se retrouver menacé d'encerclement.
Mattéo, l'éternel blasé (on se demande toujours par quel tour de force Gibrat a réussi à rendre criante de vérité l'histoire d'un éternel blasé qui participe à deux tentatives de révolution à l'étranger !) se mue bientôt, suprême disgrâce, en Mattéo la scoumoune, qui voit mourir tout le monde autour de lui en se demandant avec une nostalgie mêlée d'épouvante pourquoi il en réchappe encore. À cet égard, la scène de l'exécution sommaire par les franquistes est particulièrement poignante.
Un album bien moins verbeux que les précédents, qui laisse les dessins – toujours aussi excellents – exprimer les non-dits avec une précision d'orfèvre.
J'avais déjà remarqué que Gibrat refusait les onomatopées, ce qui a pu parfois induire quelques micro-problèmes de compréhension immédiate, quand on se demande par exemple si un fusil a tiré ou non, mais je viens ici de me rendre compte qu'il dédaigne également les visions sanglantes ou violentes, préférant habilement les suggérer. C'est un parti pris intéressant, mais qui amoindrit ici la tension dramatique, par exemple lorsque tel personnage est touché au sol par un avion nationaliste et qu'on la déclare ensuite "intransportable", alors qu'à aucun moment on ne verra sur elle la moindre goutte de sang.
Mattéo doit maintenant approcher les 50 ans. Dans un an et demi, l'Allemagne occupera la France et les anciens républicains espagnols resteront bien souvent parqués comme des moutons par le régime de Vichy, et pour certains connaîtront un destin tragique sous la botte de la Milice ou des SS. Les paris sont ouverts pour ce qui sera la suite, mais ce sera peut-être l'occasion pour Mattéo de mener sur le territoire de son propre pays ce qui aura été malgré tout le combat de sa vie, même s'il a toujours un peu donné l'impression de l'avoir mené malgré lui.
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