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Critique de Eprisedesmots


Classique parmi les classiques, ce roman est resté selon moi un peu trop caché aux yeux de l'Histoire littéraire, ou bien son succès demeura trop court. Les Faux-Monnayeurs, c'est le titre du livre qu'Edouard projette d'écrire, mais dont l'inanité de perfection -peut-être- le bloque. C'est aussi un des fils de l'intrigue, reliée à d'autres récits qui s'enchevêtrent pour former ce chef-d'oeuvre.

Chef-d'oeuvre que j'ai trouvé honnêtement très moderne pour son temps, autant que traditionnel. Paru en 1925, il reprend beaucoup des thématiques du réalisme du XIXème ; l'argent, la canaille, la psychologie étayée, l'amour déréglé, la famille dysfonctionnelle, ... et, en parallèle, dénote un aspect essayiste, une documentation trouble fondée à partir des réflexions d'Edouard (fortement Gide, hein, on va pas se mentir), qui tient dans son journal des pistes de questionnements sur le roman, la façon de l'écrire, les moyens employés, le but. Et, encore ! original par l'application qu'on peut en faire au XXIème. La langue de Gide est humble, modeste, et ouvre son horizon à tous les lecteurs, qu'ils soient adeptes de classiques ou de romans plus contemporains.

J'avais peur, comme c'est toujours le cas quand j'ouvre un classique, de me perdre dans des élucubrations absconses, des mots trop loins cherchés, au service d'une intrigue complexe et embrouillée. Bon, pour être embrouillée, celle des Faux-Monnayeurs ne fait pas exception, mais il suffit sincèrement d'être concentré pour en saisir toute la pelote.

Ce roman m'a aspiré. Je peinais à terminer les dernières pages non par ennui ou sentiment de longueur, mais bel et bien parce que je ne voulais pas le fermer. Il contient tant de passages d'abord spirituels, qui nous rapprochent de l'auteur et nous fait nous identifier (quelque soit le personnage et c'est la force de Gide !), mais aussi réflectifs et instructifs, sur les comportements familiaux ou amicaux - à quoi ils poussent, quelles conséquences d'une telle éducation, quel prétexte au mépris destructeur de vie ?-, sur le roman et le travail qu'il demande (comme exprimé ci avant), et puis émouvant, parce que l'auteur manie l'art de l'expression sentimental à la perfection, il sait méthodiquement quelle image amener, quel verbe et adjectif pour l'accompagner.
La morale prend une place immense dans le roman, et n'émet aucun jugement vraiment dépréciatif sur les actes des personnages ; vision que j'apprécie puisqu'elle met en relief l'idée que l'humain n'est pas ou blanc, ou noir, mais à la fois fragile, bizarre et attentionné.

Ensuite, il est bien entendu que cet ouvrage ne fait pas fit d'une grande partie autobiographique. On sait tous que Gide avait sa part d'homosexualité, et Edouard avec Olivier n'est pas sans la dévoiler, à la fois subreptice, intelligente et évidente. L'abord critique de l'éducation puritaine, aussi.

Ce que j'ai trouvé intéressant d'autre part, c'est la manipulation des personnages, presque tous relégués au premier plan, à l'exception de deux ou trois qui sont extérieurs à l'intrigue. Et cela aussi est moderne. Il n'est pas un personnage qui n'ait pas son lot de rétrospectives, ses douleurs et ses craintes, son évolution ou sa déperdition inexpliquée ou volontaire.

Enfin, c'était une très belle lecture, bourré d'éléments riches pour ceux qui étudient les Lettres, tout en restant divertissante, mordante et fabuleuse...

PS : peut-être la fin du roman restera-t-elle ce qui m'a le moins plu, je pense qu'à l'image du reste, la dernière phrase aurait pu s'approprier un brin de beau..
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