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Critique de Zebra


Édité en 1929 chez Bernard Grasset et publié en 1965 dans la collection Livre de Poche, « Colline » est un livre assez court (190 pages) de Jean Giono, livre écrit en souvenir de son père.

Le décor ? Les Bastides Blanches, quatre maisons à un jet de pierre de la montagne de Lure. Douze personnes y vivent, à savoir deux ménages avec femmes et enfants, et puis aussi Gagou, « un simple » qui vit de peu et loge dans une cabane faite de bidons en fer-blanc qu'il écrase. Les Bastides Blanches, autrefois, c'était un bourg, quand les seigneurs d'Aix aimaient à respirer le rude air des collines. La ville est loin, les chemins sont secs et durs et, du bourg, où les belles maisons se sont effondrées, il ne reste que ces quatre bâtisses où le facteur ne monte guère plus qu'une fois par mois et où souffle le vent. Gondran, large, haut et rouge, un colosse, habite l'une d'entre elles avec « Gritte » (Marguerite), sa femme, la fille de Janet. Dehors se mêlent les parfums des chèvrefeuilles, des genêts, des genévriers, du thym, des oliviers et de la lavande. le vent porte le chant des perdreaux. A midi, la chaleur est écrasante et « l'air, plein de mouches, grince comme un fruit qu'on coupe » : c'est l'heure de la sieste. Mais la terre est là, bien vivante qui fait ce qu'elle veut et vit son petit train-train. « Gisant, végétale et parfumée, elle est faite d'une chair et d'un sang que les hommes ne connaissent pas ; elle vit, tressaille et grommèle comme un vieux ».

L'histoire ? Âgé de plus de quatre-vingt ans, Janet vient d'avoir une attaque. Vincent, le docteur, se rend sur place et ne pronostique rien de bon. Mais Janet est un dur à cuire, de ceux qui dinent d'une soupe de fèves, quand il y en a, ou d'un oignon cru trempé dans du sel. Il a des hallucinations : la colline lui semble « couchée comme un boeuf dans les herbes », avec son dos, visible depuis la fenêtre. Janet parle sans discontinuer. Raide et noir, il fait peur aux habitants des Bastides. le sort de Janet leur fait chavirer le coeur d'inquiétude, de mystère et de peur. Pour conjurer le mauvais sort, il partent en expédition dans les collines, le fusil en bandoulière, prêts à tirer. le mauvais sort prend souvent l'apparence d'un chat noir. Ils rentrent bredouilles. Un jour, la fontaine des Bastides ne coule plus. L'eau venant à manquer, ils boivent du vin. Mais la soif est toujours là, les heures étant alors « faites d'un grand rêve où dansent des eaux d'argent ». Un jour, en fin de soirée, ils voient Gagou qui rentre avec les bas de pantalons mouillés, alors ils décident de faire le guet et de le suivre afin de savoir où il va chercher de l'eau. L'eau tant désirée provient du bassin d'une fontaine située au coeur d'un hameau situé à proximité mais abandonné il y a quelques décennies, car touché par le choléra. La soif est trop forte : demain, ils reviendront avec des bidons. Bizarrement, Marie, une des enfants, est par la suite atteinte d'une forte fièvre. Plus bizarrement, Gagou aurait été vu nuitamment en train de chevaucher Ulalie, une des femmes des Bastides. Et encore très bizarrement, le feu vient à se déclarer dans les hameaux alentour. Coïncidences ? Les hommes décident de s'unir, de faire front, de se comporter dorénavant en bons chrétiens afin de faire fuir le Mal. En pleine fournaise, « émerveillé, tremblant de joie, Gagou s'approche du feu, tend la main, et malgré l'étau qui broie ses pieds, entre dans le pays des mille candélabres d'or ». Un chat noir dort sur la couverture du lit où gît Janet, agonisant. Encore des coïncidences ? Non, les habitants des Bastides sont en lutte contre le corps de la colline, et il leur faut en écraser la tête ! Tout finira par rentrer dans l'ordre mais les belles promesses des hommes seront oubliées. Ainsi va la vie ...

Mon analyse ? Il s'agit d'un huit-clos à la psychologie finement suggérée mettant en scène des caractères typés sur fond de nature superbement décrite. Cette histoire nous est contée par un maître en la matière. le vocabulaire est particulièrement riche, le suspense est réel et les coups de théâtre ne manquent pas. S'y ajoutent un subtil mélange entre magie et réalité, un petit côté panthéiste, des expressions rapportées dans un patois délicieusement suranné, une esquisse de morale relative au sens de la vie, au respect de l'autre et à la valeur de l'effort. le lecteur notera la place réservée à la femme en milieu agricole défavorisé. La poésie du texte ne laissera personne indifférent. Je mets cinq étoiles et je recommande.
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