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Critique de migdal


Ayant beaucoup apprécié le livre précédent d'Henri-Christian Giraud, « 1914-1918 : La Grande Guerre du Général Giraud », je suis heureux que Masse Critique m'ait offert « l'accord secret de Baden-Baden », édition enrichie du titre publié en 2008.

En 580 pages, riches de centaines de notes et de renvois, l'auteur étudie mai 68, observe le contexte sociétal international des années 60, et analyse parallèlement le printemps de Prague et les événements de Paris.

H-C Giraud a lu tous les tracts syndicaux, les articles publiés à l'époque dans la presse, a réécouté les bulletins radiophoniques, a décortiqué les mémoires des divers protagonistes (en se donnant la peine de comparer les éditions successives et leurs différences) et a rencontré personnellement les acteurs survivants quatre ou cinq décennies après ce printemps.

Nous avons ainsi une histoire du mois de mai 68 en France, dont je ne connais pas d'équivalent aussi complet, aussi factuel, aussi objectif. Nous découvrons les coulisses des négociations entre Gouvernement et Syndicats et aussi les liaisons directes entre le Préfet de Police Grimaud et les leaders étudiants. Nous revoyons les gesticulations médiatiques des Giscard, Lecanuet, Mitterand et Mendés. Et nous observons l'organisation communiste et la discipline de la CGT dotée d'un service d'ordre sans équivalent à l'époque.

Jour par jour, le lecteur revoit la décomposition de l'état, la désertion de nombre de ministres, l'effondrement des administrations, le retournement de veste de multiples élus, la veulerie d'une partie du patronat, et l'écart entre Paris « révolutionnaire » et la province « réactionnaire ». Tableau déjà vu en juillet 1789 (relire "Les adieux à la reine" de Chantal Thomas), en juin 1940, etc.

Et nous lisons parallèlement le déroulé du mois de mai à Prague, et par ricochet à Moscou, Varsovie et dans les diverses capitales soviétiques. Nous suivons jour par jour, les manoeuvres militaires du Pacte de Varsovie et les pressions politiques exercées sur les responsables tchécoslovaques.

Et dans l'ombre, cachant son jeu et laissant Pompidou piloter au milieu de la tempête, le Général de Gaulle mobilise ses alliés étrangers et ses fidèles, et renverse la situation les 29 et 30 mai. Ces deux journées ont fait l'objet de multiples controverses depuis 50 ans et le voyage à Baden-Baden, l'entretien avec le Général Massu, restent en partie mystérieux.

En inscrivant ces deux journées dans le prolongement des accords noués depuis 1941 entre les gaullistes et les communistes, entre la France et l'URSS, en révélant la visite le 28 mai du Maréchal Kochevoï au Général Massu, à Baden-Baden, Henri-Christian Giraud formule l'hypothèse d'un accord « gagnant- gagnant » entre De Gaulle et le Kremlin laissant Moscou rétablir l'ordre communiste à Prague en sifflant la fin de la récréation étudiante à Paris en demandant à la CGT de remettre les ouvriers au travail.

L'ouvrage est dense et doit être lu une plume à la main, les notes sont en petits caractères et doublent le temps de lecture, les annexes très riches (notamment sur Léo Goldenberg, devenu Léo Hamon et sur les « gaullistes de gauche »), la bibliographie et l'index sont une mine d'or … l'ouvrage édité par les Editions du Rocher est plus proche d'une thèse couronnant le travail d'une recherche académique que d'un livre d'histoire destiné au grand public et, à mon avis, ceci justifierait une édition allégée au format de poche.

Remarquable par son travail documentaire et par le rappel de la « belle et bonne alliance » entre les deux grandes forces issues de la résistance, cet ouvrage est incontournable pour celui qui essaye de comprendre les ressorts des événements de mai 68.

Sa lecture illustre aussi qu'en un demi siècle, les problèmes que notre pays connait aujourd'hui ont bien changé et se sont considérablement compliqués avec une situation économique, sociale et morale ruinée par un demi siècle de gabegie … héritée en partie de mai 68.

Mais ce titre démontre aussi que lorsque la France est au bord du gouffre … elle arrive toujours à se redresser.

Ce en quoi son auteur est bien le digne héritier de son héroïque grand père, aujourd'hui bien méconnu.
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