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Critique de Lucilou


La récente lecture de "La Véritable Histoire des Douze Césars" ayant avivé mon goût pour les méandres tumultueux de l'Empire Romain et l'écriture et la réflexion de Virginie Girod m'ayant convaincue, j'ai récidivé avec "Agrippine: sexe, crimes et pouvoir dans la Rome Impériale".
Cet ouvrage m'attirait d'autant plus que j'ai un faible pour les figures controversée et qui semblent plus proches parfois de la légende (noire) que de la réalité historique, ces figures dont on croit savoir beaucoup sans toutefois en savoir assez. Et Agrippine, quelle figure!
Arrière-petite fille d'Auguste (et de Marc-Antoine), soeur de Caligula, épouse (et nièce!) de Claude, mère de Néron... Elle est sans doute une des femmes les plus célèbres de l'Antiquité Romaine.
Ambitieuse, cruelle, manipulatrice, prête à aller jusqu'au crime pour le pouvoir et son fils, Agrippine n'a pas été épargnée par l'historiographie qui ne lui pardonne pas, sans doute, d'avoir mis sur le trône des Césars l'infâme Néron. Pas plus qu'elle ne lui pardonne d'avoir été une femme de pouvoir dans une Rome profondément misogyne, que cela passe par la plume de Suétone, de Tacite ou de Dion Cassius. C'est ainsi, L Histoire est écrite par les vainqueurs qui laissent des vaincus l'image qui les arrange…

En se penchant sur la figure de la mère de Néron, immortalisée aussi par les vers de Racine, Virginie Girod accomplit un travail absolument passionnant. Patiemment et avec érudition, elle s'attache à retracer la vie de la marâtre de Britannicus, en veillant toutefois à faire la part des choses entre légende et réalité, mythes et faits incontestables. Il en ressort une Agrippine sans doute moins scabreuse ou cruelle que ce qu'on croit mais toute aussi passionnante: manipulatrice, ambitieuse, redoutable et parfois criminelle certes, mais intelligente, humaine et résiliente aussi.
Par ailleurs, l'historienne prend le temps de s'arrêter longuement sur la généalogie de son sujet et sur son histoire, extrêmement violente. En effet, pour elle, on ne peut comprendre Agrippine si on ne saisit pas aussi le contexte, le milieu -familial et sociétal- qui l'ont forgée. La démonstration est passionnante et brillante.
Pour la soeur de Caligula, rien ne fut simple et quand on sait à quel nid de serpents ressemblait la dynastie des Julio-Claudiens, où chaque membre de la famille était prêt à n'importe quel fratricide pour obtenir le pouvoir, on peut comprendre qu'Agrippine n'eut parfois pas d'autre choix que celui de la lutte, quel qu'en soit le moyen… C'est d'autant plus vrai qu'elle n'était qu'une femme et peut-être la plus puissante de son temps, à une époque où seuls les hommes se targuaient d'en disposer.

Sans aller jusqu'à la réhabilitation complète de l'impératrice (certains faits sanglants sont tout de même avérés), Virginie Girod nous offre donc un portrait inédit d'Agrippine et qui se veut le plus authentique possible, à la lumière des connaissances acquises récemment. Un portrait riche qui rend hommage à la complexité d'Agrippine, qui n'était pas que le monstre décrit par Suétone, qui avait certes sa part d'ombre mais aussi sa part d'humanité. Etrangement cela la rend bien plus fascinante que l'image monolithique qu'on a souvent.
Archéologie, neurosciences, Histoire, textes canoniques ou moins connus se croisent et permettent à l'auteur de nous offrir un ouvrage érudit, rationnel et éclairé sur la plus célèbre des romaine.
Un délice... qui m'a laissé un gout amer: si Agrippine avait été homme plutôt que femme, ses actes seraient sans doute passés à la postérité pour de clairvoyantes manoeuvres politiques, pas pour des iniquités dictés par la soif de sang et de pouvoir.
C'est dommage quand même.
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