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Critique de beatriceferon


Mauvaise passe pour l'écrivain Quentin Dorval. Il n'a pas compris à quel point son père était malade. Il est chassé par sa femme qu'il a trompée avec un tendron. Et il n'a pas l'ombre d'une piste pour entamer un nouveau roman.
Réfugié à La Roche-sur-Foron, il manipule tristement les boîtes vides, dans lesquelles devraient s'accumuler les fiches préparatoires de son livre. C'est alors qu'un article du Dauphiné libéré attire son attention. Quoi ? Deux crashs aériens ont endeuillé la montagne à quelques années d'intervalle ? Bien sûr, il assistera à l'exposé qui va explorer ce mystère et peut-être lui donnera quelques idées.
Lorsque quelqu'un, dans son entourage, prononce les mots : « belle indienne nue dans la neige », son imagination s' envole.
En parcourant la liste des ouvrages proposés par Masse critique, je suis attirée par la couverture et le titre de Nicole Giroud. J'aime beaucoup lire des histoires dont le décor est l'Inde. Mais celle-ci me réserve bien des surprises. Elle va m'emmener bien loin de ce à quoi je m'attendais, dans un univers que je ne connaissais pas.
Le roman démarre avec les déboires d'un auteur en mal d'inspiration et aux prises avec des problèmes conjugaux.C'est en allant se réfugier dans l'appartement légué par son père qu'il découvre l'incroyable coïncidence de deux catastrophes aériennes touchant des avions en provenance de Bombay et qui s'écrasent quasi au même endroit à seize ans d'intervalle. C'est un peu gros tout de même ! Eh bien non. La réalité dépasse la fiction, dit-on souvent. C'est le cas. Je me suis renseignée, évidemment et j'ai appris que tout était vrai, même si on ne parle pas beaucoup de ce Boeing au nom imprononçable.
Nicole Giroud va habilement mêler deux histoires : celle de Quentin Dorval, l'écrivain qui veut à tout prix rencontrer la belle et mystérieuse femme entrevue pendant une conférence et celle de Rashna, la fière et rebelle jeune Parsie.
Une partie de la narration est prise en charge par Quentin, mais le texte va se révéler beaucoup plus complexe : le lecteur aura sous les yeux un échange de courriels entre les protagonistes, une relation des souvenirs d'Anusha, où elle parle d'elle à la troisième personne d'abord, avant d'assumer son rôle en « je ». du roman écrit par Quentin nous sont proposés quelques chapitres et on découvre aussi des lettres et des poèmes.
L'auteure s'arrange pour mêler subtilement la réalité des faits avec son imagination personnelle, de sorte que, à la dernière page, on ne puisse plus séparer ce qui est vrai de ce qui ne l'est pas. Et c'est ce qui m'a beaucoup plu. Ce procédé m'a paru magique.
Nicole Giroud parsème son récit de légendes, comme celle de l'arrivée en territoire indien des Parsis, chassés de leur pays d'origine (l'Iran) par les persécutions musulmanes, mais dont le roi du Gujarat se méfie. Pour les faire accepter, leur grand prêtre propose une image ingénieuse et poétique (le bol de lait et le sucre). Ou le mythe hindou du dieu Shiva frappé par l'amour.
A côté de ces passages pleins de charme et de beauté, on est frappé par des scènes affreuses, telle celle de la découverte, sur le glacier, des corps déchiquetés. Les hommes chargés du nettoyage jettent les membres qu'ils trouvent dans des crevasses. On est dans une station de ski, tout de même, il faut ménager les touristes ! Ce qui entre en résonance avec des épisodes actuels bien choquants. (Je pense aux cadavres de migrants échoués sur les plages, au grand déplaisir des estivants...)
A peine croyable. Et pourtant, ce n'est pas une invention macabre, puisque, d'après ce que j'ai pu lire, plus de trente ans après la catastrophe, la montagne commençait à régurgiter dépouilles et objets divers. Une sorte d'omerta aurait frappé l'accident du Kangchenjunga, dont on n'avait pas retrouvé la boîte noire et dont l'armée aurait verrouillé des dossiers qui ne seront accessibles au public que bien après ma mort !
Les « aventuriers » qui écument la montagne à la recherche des débris, comme celui dont l'exposé attire Quentin, existent bel et bien.
Outre le mystère de ces deux avions, j'ai appris beaucoup de choses, notamment à propos des Parsis, dont je ne savais presque rien. J'ai découvert une aventure pleine de suspense et de rebondissements, avec de l'amour, mais aussi des manipulations et des trahisons.
Les personnages sont complexes et les figures dominantes sont deux femmes qui se battent pour avoir accès à la culture et à l'indépendance dans une civilisation qui ne les leur accorde pas.
Certains hommes sont bornés et ont l'esprit étroit, englué dans les traditions et les croyances, comme le jeune Firoz. D'autres sont insaisissables : perfide manipulateur ou vrai amoureux passionné ? Comme Jiddu. Mais un des protagonistes qui m'a le plus plu est le vieux et sage Cyrus, bienveillant, généreux, ouvert et tolérant.
Enfin, je n'oublie pas le rôle de l'écrivain qui m'a fascinée. On comprend bien comment il travaille, se documente et comment, mêlant intimement réalité et fiction, il donne vie à ses créatures, leur offre un environnement, des aventures, des sentiments.
J'ai beaucoup aimé cette lecture et je remercie une nouvelle fois cette belle opération Masse critique, ainsi que la maison d'édition Les escales qui m'ont permis de la découvrir.
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